- 1. Des pierres de foudre à l’archéologie préhistorique
- 2. Les premiers hommes fossiles
- 3. L’homme antédiluvien
- 4. La découverte de l’homme de Néandertal et de la race de Cro-Magnon
- 5. « Le chaînon manquant » du singe à l’homme
- 6. L’homme de Piltdown et la théorie des présapiens
- 7. Le berceau de l’humanité se promène : de l’Asie vers l’Afrique
- 8. Bibliographie
PALÉOANTHROPOLOGIE ou PALÉONTOLOGIE HUMAINE
« Le chaînon manquant » du singe à l’homme
L'artisan des industries de pierre de l'époque de Saint-Acheul, suivant la chronologie de Mortillet, demeurait cependant inconnu en dépit de ce que laissait espérer la découverte, tant attendue, faite en 1863 par Boucher de Perthes, de la fameuse mandibule de la carrière du Moulin-Quignon, à Abbeville. Elle mit aux prises, cette année-là, les savants anglais, qui doutaient de son authenticité, et français, qui en assurèrent la défense. L'affaire de la mâchoire du Moulin-Quignon connut heureusement un dénouement rapide, non sans quelques péripéties, lorsque quelques mois après sa découverte, fut démontrée sa nature frauduleuse. Quand bien même l'auteur des premiers instruments de pierre taillée nous échappait encore, d'autres évoquaient déjà l'existence du chaînon manquant entre le singe et l'homme, le « missing link » des Britanniques, l’inéluctable conséquence des idées transformistes, qu'un Darwin lui-même, assez timoré, avait éludée en attendant des temps plus propices. Cette proximité de parenté semblait d'autant plus acceptable que l'humanité plongeait ses racines dans des époques reculées. L'hypothèse de l'existence d'un homme d'âge Tertiaire fit son chemin d'autant qu'elle parut étayée par quelques témoignages archéologiques : des ossements d'animaux d’âge Tertiaire (c’est-à-dire antérieur à 1,65 Ma) prétendument incisés par l'homme et des silex que l’on crut taillés mais qui, en réalité, étaient éclatés par le feu. Dès 1878, Gabriel de Mortillet avait donné un nom à cet être mythique : l'Anthropopithèque ; de son côté, l'audacieux embryologiste allemand Ernst Haeckel, ardent prosélyte des théories darwiniennes, avait dix ans auparavant désigné cet être virtuel sous le nom de Pithecanthropus alalus, le « singe-homme muet ». Contrairement aux usages, tous deux avaient ainsi nommé des créatures qui n'existaient encore que dans leur imagination.
C'est pourtant ce chaînon manquant qu'un jeune médecin néerlandais, Eugène Dubois va s'entêter à trouver en s'embarquant, en 1887, pour les Indes néerlandaises à Sumatra puis à Java. Influencé par Haeckel, qui faisait clairement descendre ses hypothétiques Pithécanthropes des anthropoïdes asiatiques, et n'ignorant pas l'existence dans les Siwaliks des Indes britanniques de grands singes tertiaires que certains croyaient proches des chimpanzés, Dubois est intimement convaincu de la justesse de ses vues. Soigneusement médité et préparé, son projet, qui préfigure à bien des égards les grandes explorations à venir, contraste avec le caractère fortuit de bien des découvertes anthropologiques de son siècle.
La découverte d'un crâne humain subfossile à Wajak (Java, en 1889) que l'on remettra à Dubois, va l'inciter à se rendre sur cette île. Ayant tout d'abord trouvé un fragment de mâchoire à Kedungbrubus, qu'il attribuera plus tard au Pithécanthrope, il entreprend des fouilles de grande ampleur le long de la rivière Solo à Trinil. À partir de 1891, il y recueillera successivement une molaire, puis une calotte crânienne et enfin un fémur tout à fait semblable à un fémur humain. Ne doutant pas que les trois vestiges eussent pour possesseur un même individu, doté selon lui d'un cerveau ne dépassant pas 1 000 cm3, Dubois fut rapidement persuadé qu'il détenait bien là le fameux chaînon manquant d'Haeckel, qu'il baptisa en conséquence Pithecanthropus erectus, rappelant ainsi sa posture érigée comme en témoignait son fémur. La découverte de Dubois eut un retentissement considérable en Europe bien qu'elle y fût accueillie sous le flot habituel des critiques qui se divisèrent en deux camps : l'un regardant cet être comme[...]
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Écrit par
- Herbert THOMAS : sous-directeur honoraire au Collège de France
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