Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PALÉOANTHROPOLOGIE ou PALÉONTOLOGIE HUMAINE

Le berceau de l’humanité se promène : de l’Asie vers l’Afrique

Ossements d'Homo habilis - crédits : John Reader/ SPL France

Ossements d'Homo habilis

Si l'homme de Piltdown fut à l'origine de conceptions erronées qui persistèrent durablement, il n'eut en revanche que peu d'influence sur les différentes hypothèses envisagées quant au « berceau » de l'humanité. L'extraordinaire modernité de son crâne ne faisait en effet que reculer dans le temps l'origine même de l'humanité. Après la Première Guerre mondiale, la majorité des chercheurs considérait encore que l’homme était d’abord apparu en Asie, en dépit de la prédiction de Darwin en faveur de l'Afrique et du fait qu'en 1924 quelque 350 individus fossiles avaient été découverts en Europe occidentale contre un seul en Asie. De nouvelles découvertes effectuées après 1924, à Java, puis celles des Sinanthropes de Chine semblaient d'ailleurs confirmer ce modèle géographique. Dans ce contexte, on comprendra mieux que l'annonce en 1925, par Raymond Dart, de la découverte en Afrique du Sud, à Taung, d'une créature une fois de plus intermédiaire entre les grands singes et l'homme, désignée sous le nom d'Australopithecusafricanus, n'eut pas dans l'immédiat le succès escompté. La découverte de Dart était en quelque sorte prématurée, d'autant que le crâne de Taung appartenait à un très jeune sujet, ce qui ne simplifiait guère son interprétation. En outre, l'enfant de Taung, dont le cerveau était estimé à 520 cm3, ne pouvait rivaliser avec le haut degré de perfectionnement de l' homme de Piltdown. Il fallut attendre près d'un quart de siècle et de nouvelles découvertes d'Australopithèques en Afrique du Sud pour que ceux-ci soient classés comme des hominidés et non comme des singes. L'intérêt pour l'Afrique, si longtemps muette, dès lors ne se démentira plus. La découverte, en 1959, dans la gorge d'Olduvai, en Tanzanie, par les paléontologues Louis et Mary Leakey, du Zinjanthropus boisei, le premier Australopithèque robuste puis des premiers Homo habilis, va déclencher une gigantesque « ruée vers l'os » tout le long des grandes cassures des rifts est-africains.

Les résultats seront à la mesure des moyens mis en œuvre : quelques milliers de restes d'hominidés appartenant à des formes variées et couvrant désormais une longue période de près de cinq millions d'années. Au-delà de la simple accumulation croissante des fossiles, ces recherches en Afrique orientale auront entraîné le développement de nouveaux champs d'investigation : datations absolues, paléomagnétisme, paléoécologie, paléoclimatologie, taphonomie et paléoethnologie. Dans le même temps, les problématiques de la paléoanthropologie se sont largement diversifiées avec la multiplication des découvertes sur tous les autres continents. Si la paléoanthropologie s'appuie toujours sur « de pauvres restes épargnés par le temps », ce qui faisait dire jadis à un Marcellin Boule qu'elle était « arrivée trop tard dans un monde trop vieux », il n'en reste pas moins que notre savoir sur les origines de l'humanité a fait un formidable bond en avant en dépit de toutes les discussions et controverses qui alimentent et alimenteront pour longtemps les débats.

Aussi objectives que puissent être les analyses et les interprétations des documents fossiles, aucun des scénarios proposés n'échappe tout à fait aux idées préconçues ou aux paradigmes dominants. Il est assez significatif que les hominidés, face aux enjeux qu'ils représentent, aient suscité une littérature des plus abondantes où la multiplicité des noms latins ou grecs, invoqués pour toutes les créatures humaines, mythiques ou réelles, réalise comme nous l'avoue Yves Coppens, « un extraordinaire catalogue à la gloire de l'imagination ».

— Herbert THOMAS[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Médias

Jacques Boucher de Perthes - crédits : Science Photo Library/ AKG-images

Jacques Boucher de Perthes

Ernst Haeckel - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

Ernst Haeckel

Mâchoire de l'homme de Heidelberg - crédits : John Reader/ SPL France

Mâchoire de l'homme de Heidelberg

Autres références

  • AFRIQUE (Histoire) - Préhistoire

    • Écrit par
    • 6 326 mots
    • 3 médias
    Les recherches sur les origines de l'humanité sont pluridisciplinaires par nécessité et se composent d'une vaste panoplie dedisciplines faisant partie de ce que l'on peut appeler la « nébuleuse paléoanthropologie ». La branche archéologique se concentre sur l'étude des produits des activités hominidés/humaines...
  • AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géographie

    • Écrit par , et
    • 18 105 mots
    • 9 médias
    Aucun anthropoïde actuel ou fossile qui puisse être ancêtre ou cousin d'un rameau humain n'a jamais été découvert en Amérique, où les plus anciens restes humains retrouvés ne remontent guère au-delà de 10 000 ou 11 000 ans et appartiennent presque tous à la variété mongoloïde de ...
  • ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) - Aménagement des sites

    • Écrit par et
    • 5 946 mots
    • 3 médias
    Le chantier de fouilles ouvert en 1964 par Henry de Lumley dans la Caune de l'Arago (Pyrénées-Orientales) continue à être décapé. On y a trouvé plus de cent vestiges humains dont le crâne de l'homme de Tautavel « le premier Français », vieux de 400 000 ans. Le matériel archéologique est...
  • ATAPUERCA, site préhistorique

    • Écrit par
    • 1 049 mots

    Les gisements du complexe d'Atapuerca en Espagne ont acquis une renommée mondiale à la suite des découvertes qui y ont été faites à partir de 1980. Ces sites ont apporté des informations d'une importance exceptionnelle sur les premiers peuplements de l'Europe et sur l'origine des ...

  • Afficher les 78 références