PALÉOGÉNOMIQUE
Singularités de l’approche paléogénétique
Les nouvelles technologies de séquençage n’ont pas seulement révolutionné la production de données en paléogénétique : elles ont aussi encouragé des évolutions majeures au niveau des traitements en laboratoire de l’ADN ancien et de l’analyse informatique des séquences.
Éliminer les contaminations
La contamination des échantillons par de l’ADN étranger à l’organisme étudié a toujours été au cœur des préoccupations des paléogénéticiens. Dès les premiers travaux, la prévention de ce risque a imposé la mise en place de pratiques expérimentales strictes : manipulation des échantillons anciens dans des laboratoires dédiés séparés des échantillons modernes ; système d’isolation à l’égard des manipulateurs (combinaisons, postes de travail à flux laminaire) et de l’environnement (laboratoire sous pression positive, filtration de l’air, etc.) ; désinfection et stérilisation régulière des équipements (rayons UV, eau de Javel, etc.). Malgré tous ces efforts, le séquençage de banques génomiques anciennes montre qu’aucun extrait d’ADN ancien n’est exempt de contaminations exogènes, car la plupart des contaminants en jeu sont en fait présents dans les échantillons eux-mêmes dès leur découverte et leur excavation. Dans les restes archéologiques analysés, il est donc assez classiquement observé que moins de quelques pourcents des fragments d’ADN proviennent de l’organisme lui-même, tandis que le reste est imputable à des micro-organismes – surtout des bactéries et champignons – qui proviennent de l’environnement où cet échantillon a été trouvé. Afin de préserver le pouvoir du séquençage de seconde génération tout en maximisant le rendement en ADN d’intérêt, l’utilisation de sondes ADN magnétisables dont les séquences ressemblent à celles de l’espèce à laquelle on s’intéresse permet, en principe, d’enrichir la préparation amplifiée en fragments d’ADN d’intérêt. Les autres fragments, non aimantés, sont supprimés de la banque d’origine en amont du séquençage. Cette méthodologie a de nombreuses applications en paléogénétique. Néanmoins, son implémentation est coûteuse et l’enrichissement obtenu pas toujours sensible.
Privilégier le séquençage de fragments de petite taille
La possibilité d’analyser tous les fragments d’ADN issus d’échantillons anciens a aussi révélé l’importance de concentrer les efforts sur les fragments les plus petits, bien en deçà d’une longueur de 100 nucléotides. Cela a poussé à l’optimisation des techniques d’extraction d’ADN, qui sacrifiaient historiquement les fragments de longueur inférieure à 50 nucléotides. Désormais, les techniques disponibles permettent de récupérer des fragments beaucoup plus courts et donc, incidemment, de traiter des échantillons beaucoup plus dégradés que précédemment. Malheureusement, cette avancée se fait au prix de la coextraction d’autres substances que l’ADN, qui peuvent causer des problèmes expérimentaux en inhibant certains processus moléculaires mis en œuvre en laboratoire. De fait, l’extraction d’ADN ancien repose généralement sur un équilibre délicat entre quantité d’ADN extrait et concentration en inhibiteurs. De plus, l’utilisation de fragments très courts complique les reconstructions de séquences : si on assimile un génome à un puzzle et les fragments d’ADN à ses pièces, il est évident que la recomposition du puzzle est d’autant plus ardue que les pièces sont petites et nombreuses. Enfin, les séquences d’ADN étant toutes formées par les quatre mêmes nucléotides, il est d’autant plus difficile d’attribuer une séquence à un organisme particulier que cette séquence est plus courte. En pratique, en deçà d’une longueur de 25 nucléotides, le risque d’erreur devient non négligeable, et il est préférable d’éliminer ces séquences des analyses, alors même qu’elles constituent parfois la majorité[...]
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Écrit par
- Régis DEBRUYNE : ingénieur de recherche en paléogénétique au Muséum national d'histoire naturelle (Paris), spécialiste de l'histoire évolutionnaire de la famille des éléphantidés
Classification
Médias