PALÉOGÉNOMIQUE
Résultats et ambitions de la paléogénétique
Les séquences d’ADN ancien permettent, d’une part, de comparer des matériels génétiques d’espèces différentes, donc d’établir leur relation phylogénétique et, d’autre part, d’apprécier les variations génétiques entre individus d’une même espèce. L’audience croissante de la paléogénétique tient à deux raisons principales : l’impact scientifique des résultats associés aux travaux sur l’évolution de la lignée humaine ; l’extension progressive de ses capacités d’analyse à un spectre de plus en plus large d’organismes et de matrices d’ADN, ce qui permet de connaître la faune et la flore d’un environnement.
Ainsi, la découverte de la branche des Dénisoviens – une lignée d’humains fossiles génétiquement proche des Néandertaliens – en 2010 figure en bonne place parmi les résultats les plus marquants de la paléogénétique (Reich et al., 2010). De façon plus générale, cette discipline participe à la réécriture permanente de l’évolution humaine depuis une quinzaine d’années, ce qui a valu le prix Nobel 2022 de physiologie ou médecine à Svante Pääbo, qui a initié la discipline dans les années 1980. De nombreux paléogénomes humains ont été ainsi déterminés et permettent de documenter finement le peuplement humain et les dynamiques d’expansion et de métissage des populations humaines modernes et fossiles (Néandertaliens et Dénisoviens en particulier). Cette réécriture de notre histoire n’est pas seulement le produit du séquençage direct d’ADN ancien humain. En particulier, les données génétiques en relation avec les processus de domestication des végétaux cultivés et des animaux offrent des éclairages complémentaires. En analysant des échantillons issus de périodes plus ou moins anciennes et en les comparant à la diversité génétique moderne, la paléogénétique participe activement à la documentation de l’effondrement de la diversité génétique au cours de l’Anthropocène. Indirectement, elle nourrit les modèles et les reconstructions des phénomènes d’origine anthropique ou environnementale à l’origine de la diversité moderne.
Cette meilleure compréhension de certains environnements anciens est aussi liée à une diversification des matériels archéologiques de départ (Bon et Debruyne, 2022). Historiquement, les travaux de paléogénétique se sont largement focalisés sur une matrice biominérale qui se préserve bien à travers le temps : le squelette osseux des vertébrés. Même si celui-ci est naturellement moins riche en cellules que les tissus mous, sa fraction minérale le rend beaucoup moins sensible à la putréfaction post mortem et agit, dans une certaine mesure, comme un sarcophage pour l’ADN. L’os – ou la dent – se révèle ainsi la cible privilégiée des paléogénéticiens. D’autres tissus peuvent aussi constituer des sources d’ADN intéressantes : poils et cheveux, qui offrent une relative imperméabilité par rapport aux contaminants extérieurs ; coquilles d’œufs ou de mollusques et cuticules d’arthropodes desséchés ; tartre dentaire et paleofèces ; pour les végétaux, pollens, graines, spécimens d’herbier ; et même artefacts culturels comme des poteries, des parchemins ou des textiles.
De nouvelles matrices confirment aussi leur potentiel : les ADN environnementaux sont les traces génétiques visibles d’organismes présents dans l’environnement du fossile étudié, même en l’absence de restes biologiques identifiables. Si les travaux sur les ADN environnementaux modernes se développent très rapidement, la possibilité d’analyser de telles matrices pour des ADN anciens suppose une préservation exceptionnelle de ces molécules présentes à l’état de traces. L’exemple récent le plus spectaculaire de ces approches tient au séquençage du génome complet d’une jeune femme préhistorique à partir[...]
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Écrit par
- Régis DEBRUYNE : ingénieur de recherche en paléogénétique au Muséum national d'histoire naturelle (Paris), spécialiste de l'histoire évolutionnaire de la famille des éléphantidés
Classification
Médias