PALÉOGÉOGRAPHIE
Si la géographie décrit et étudie la surface de la Terre telle qu’elle se présente aujourd’hui, notamment sous ses aspects physiques et biologiques, la paléogéographie s’intéresse à retracer ses configurations passées. En effet, à l’échelle des temps géologiques, la surface de la Terre n’est pas immuable, mais en perpétuel changement sous l’effet de phénomènes divers. La paléogéographie s’attache donc à reconstituer les différentes géographies qui se sont succédé au cours des millions d’années de l’histoire de la Terre. Cette discipline est beaucoup plus liée à la géologie qu’à la géographie.
Les changements géographiques ont influé sur le monde vivant de façon significative. Les modifications ayant eu des répercussions sur la répartition des espèces animales et végétales au cours des temps font l’objet de la paléobiogéographie, discipline liée aux sciences de la Terre – comme l’est la paléogéographie – mais aussi à la biologie. On peut dire que la paléobiogéographie est à la paléogéographie ce que la biogéographie (étude de la répartition des espèces actuelles) est à la géographie.
Vers une géographie mobile
L’idée d’une géographie mobile, non figée, n’est pas récente. Dès l’Antiquité, certains avaient envisagé l’existence de changements dans la répartition des terres émergées et des mers, puis, dès le xvie siècle, quelques précurseurs supposaient déjà des modifications de grande ampleur à l’échelle des continents. Cette idée s’appuyait essentiellement sur le fait que les côtes africaines et américaines peuvent s’emboîter. Par la suite, des similitudes entre les structures géologiques, les flores et les faunes de continents séparés ont été relevées, notamment vers 1750 par le naturaliste français Georges Buffon, puis entre 1799 et 1804 par le géographe et explorateur allemand Alexander von Humboldt et en 1828 par le botaniste Adolphe Brongniart. Malgré ces observations suggérant une géographie variable, l’idée dominante est longtemps restée celle d’une géographie fixe. Pourtant, les idées non fixistes se précisent vers le milieu du xixe siècle.
Des partisans de la position fixe des continents, mais pas d’une géographie entièrement fixe, ont fait progresser les idées. Parmi eux, à la fin du xixe siècle, le géologue autrichien Eduard Suess suppose, comme d’autres avant lui, que des continents aujourd’hui séparés étaient auparavant reliés par des masses intermédiaires (appelées « ponts continentaux ») maintenant effondrées. Dans cette optique, la géographie changeait mais les continents ne se déplaçaient pas. Cette conception – continents fixes, liaisons par ponts continentaux, effondrement de ces derniers – a dominé la paléogéographie et la paléobiogéographie pendant longtemps.
Suess était un ardent défenseur de la théorie de la contraction de la Terre. Selon celle-ci, la Terre se refroidit et se contracte, ce phénomène étant supposé jouer un rôle important dans la formation des chaînes de montagnes. Alors que Suess défend la contraction terrestre, le géologue italien Roberto Mantovani suggère, en 1889, que le volume de la Terre est, au contraire, en accroissement. Si la théorie de la contraction de la Terre est abandonnée (en particulier à la suite des travaux de Wegener), celle de l’expansion terrestre compte encore quelques partisans aujourd’hui.
Dans le cadre des idées non conformistes et d’une géographie que l’on peut qualifier de mobiliste, signalons le point de vue de l’astronome américain William H. Pickering. En 1907, il suppose que la Lune s’est détachée de la Terre en laissant l’emplacement de ce qui est maintenant l’océan Pacifique, brisant le continent unique qui existait alors, ce qui aurait donné naissance aux continents actuels.
En 1908, le géologue américain Franck B. Taylor suggère que les continents[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Claude RAGE : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
Classification
Médias
Autres références
-
ALPES
- Écrit par Jean AUBOUIN , Bernard DEBARBIEUX , Paul OZENDA et Thomas SCHEURER
- 13 214 mots
- 11 médias
En conclusion, cette évolution des Alpes au cours du Secondaire et du Tertiaire montre la succession de trois paléogéographies : -
ALPINES CHAÎNES
- Écrit par Jean AUBOUIN
- 4 539 mots
- 5 médias
Pour ce qui est de la période d'ouverture Trias-Jurassique, s'agissant des chaînes périméditerranéennes, leur modèle est celui de marges stables en blocs basculés, qui détermine les futures zones externes de ces chaînes : telle est la situation de la zone dauphinoise et de la zone briançonnaise,... -
AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géologie
- Écrit par Jean AUBOUIN , René BLANCHET , Jacques BOURGOIS , Jean-Louis MANSY , Bernard MERCIER DE LÉPINAY , Jean-François STEPHAN , Marc TARDY et Jean-Claude VICENTE
- 24 158 mots
- 23 médias
Au sens géologique, l'individualité et l'unité du continent américain sont relativement récentes. En effet, à la fin des temps carbonifères, il y a 280 millions d'années (million d'années : Ma), les deux Amériques étaient partie intégrante de la Pangée, qui rassemblait la totalité des continents,... -
ANDINE CHAÎNE
- Écrit par François MÉGARD
- 5 726 mots
- 4 médias
...et on la déduit de la répartition linéaire et de la nature calco-alcaline des produits du volcanisme et du plutonisme pré-orogéniques. La subduction induit typiquement un dispositifpaléogéographique dont on peut prendre le modèle dans le Pérou central à l'Albien et qui montre d'ouest en est : - Afficher les 53 références