PALÉOGÉOGRAPHIE
Reconstruire la paléogéographie
La reconstitution des géographies du passé fait appel à plusieurs méthodes et disciplines. À la suite des premières observations sur les concordances géométriques des côtes de part et d’autre d’un océan, sont intervenues celles des similitudes géologiques ou biologiques relevées sur des territoires séparés, similitudes qui permettent de supposer une connexion passée entre ces territoires.
Après ces différents types d’observation, la connaissance des fonds océaniques et de leurs dorsales ainsi que l’étude du champ magnétique terrestre passé (paléomagnétisme) ont fait progresser de manière importante l’analyse paléogéographique. Devenu une discipline à part entière, le paléomagnétisme, qui s’appuie sur l’étude de l’aimantation naturelle fossile conservée par les roches, permet de suivre les déplacements passés des pôles magnétiques et de situer les territoires les uns par rapport aux autres pour une époque donnée. Outil devenu essentiel, le paléomagnétisme fournit des informations sur lesquelles peuvent se fonder les autres disciplines.
La paléontologie apporte également de précieuses informations. Après des observations plus ou moins empiriques, l’arrivée du cladisme (ou cladistique) – méthode qui permet de reconstituer la phylogénie, c’est-à-dire les relations de parenté entre les êtres vivants – a mené à des analyses plus strictes. L’histoire phylogénétique des groupes animaux ou végétaux, ainsi reconstruite, permet de détecter des phénomènes paléogéographiques. Une dichotomie dans l’arbre phylogénétique, c’est-à-dire l’apparition de deux groupes frères, correspond souvent à la division d’une aire de répartition (vicariance géographique). Cette division peut résulter de la séparation de continents ou d’un événement beaucoup plus local (fragmentation d’une étendue d’eau, déforestation, etc.). Si l’âge des fossiles considérés ne corrobore pas une vicariance, il faut envisager une dispersion, processus qui s’oppose théoriquement à la vicariance : les individus colonisent de nouvelles surfaces en franchissant parfois (activement ou non) un obstacle (un océan par exemple).
Dans l’ensemble, les résultats géologiques et paléomagnétiques sont compatibles avec ceux de la paléontologie. Toutefois il existe de rares conflits où la paléogéographie et la paléobiogéographie ne concordent pas. Un bon exemple en est donné par l’histoire paléogéographique de l’Inde. Sur des bases non biologiques, on considère que la plaque indienne s’est trouvée isolée des autres continents au cours du Crétacé, vers 100 Ma, et qu’elle l’est restée jusqu’à son contact avec l’Asie à l’Éocène inférieur, c’est-à-dire vers 55 à 50 Ma. Pourtant, dans des gisements indiens datés de 72 à 66 Ma, on a trouvé des fossiles dont les affinités se situent en Eurasie. Dans le cadre de l’hypothèse communément admise, il a donc fallu que ces animaux, venus du nord, atteignent l’Inde alors qu’elle n’était pas encore en contact avec l’Asie. Ils auraient ainsi été obligés de traverser un espace océanique ; or, certains d’entre eux, des amphibiens, ne supportent pas l’eau de mer. Plusieurs explications ont été avancées pour rendre compte de la présence de ces fossiles en Inde à cette époque. Par exemple, le contact entre l’Inde et l’Asie pourrait avoir été plus précoce, ou bien des arcs insulaires situés entre les deux masses continentales auraient servi de passage pour les animaux. Depuis les années 2000, l’hypothèse d’échanges de vertébrés entre l’Inde et l’Afrique à la même époque a aussi été envisagée ; ces échanges ne sont pas, eux non plus, compatibles avec la théorie classique. Les scientifiques qui étudient cette question ne s'accordent à ce jour aucune explication.
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Écrit par
- Jean-Claude RAGE : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
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