PALÉOGÉOGRAPHIE
Le monde vivant face à une géographie mobile
La géographie change continuellement et la répartition des êtres vivants subit ces modifications. L’histoire des changements ayant affecté la distribution géographique des plantes et des animaux, donc la paléobiogéographie, peut être envisagée sous deux aspects. Le premier concerne la simple reconstitution des changements de distribution des flores et des faunes au cours des époques successives. Certains d’entre eux sont spectaculaires. C’est ainsi que, par exemple, des animaux marins fossilisés se retrouvent aujourd’hui au milieu de continents, ou que des palmiers fossiles ont été découverts en Antarctique dans des terrains datant de 40 à 50 Ma. Le second aspect de la paléobiogéographie concerne l’impact des changements géographiques sur l’évolution des formes vivantes. En effet, l’histoire évolutive du monde vivant a été affectée, parfois profondément, par les modifications de la géographie. Les changements géographiques apparaissent même comme l’un des moteurs de l’évolution.
L’un des phénomènes les plus importants en paléobiogéographie est la vicariance géographique. Pour une raison quelconque, l’aire de répartition d’une espèce est coupée en deux ou plusieurs aires distinctes à la suite de la formation de barrières (division en deux parties d’un continent, apparition d’un désert, etc.). Les populations ainsi séparées évoluent séparément et conduisent à des taxons (groupes) distincts. Les taxons vicariants sont donc des formes étroitement apparentées (des groupes frères) mais qui occupent des aires géographiques disjointes. L’exemple en est donné par les dipneustes, poissons à poumons qui vivent en eau douce. En Amérique du Sud, on trouve Lepidosiren alors qu’en Afrique vit Protopterus. Ces animaux sont fortement apparentés et représentent deux groupes frères. La dichotomie qui a donné naissance à ces groupes a été provoquée par l’ouverture de l’Atlantique sud, laquelle s’est achevée il y a environ 110 Ma et a séparé l’Amérique du Sud de l’Afrique. Lepidosiren et Protopterus descendent donc d’une même espèce, ancêtre commun non identifiable, qui vivait sur le bloc Amérique du Sud-Afrique avant sa séparation en deux continents.
L’évolution résultant d’une vicariance peut aboutir à l’émergence de groupes majeurs. Ainsi, chez les mammifères, suivant une hypothèse, les Xénarthres (paresseux, fourmiliers, tatous), peuplant l’Amérique du Sud, et les Afrothériens (éléphants, damans, oryctéropes, etc.), vivant en Afrique, seraient deux groupes frères qui se seraient séparés, eux aussi, à la suite de l’ouverture de l’Atlantique sud. Toutefois cette hypothèse phylogénétique reste discutée.
Un autre phénomène, la dispersion (souvent faussement appelée « migration »), peut aussi modifier très nettement la répartition des organismes vivants. Dans ce cas, une espèce, qui occupe une aire géographique donnée, agrandit cette aire ou, d’une façon ou d’une autre, la modifie. L’espèce peut ainsi passer des barrières physiques a priori difficiles à franchir (océans par exemple). Il arrive que plusieurs espèces se dispersent simultanément de façon similaire. Cela signifie que la dispersion résulte d’un événement particulier tel que la mise en contact de deux zones géographiques auparavant séparées – grâce par exemple à une collision entre deux continents ou à la disparition d’une barrière climatique. De telles dispersions ont été nommées « géodispersions » par Bruce Lieberman et Niles Eldredge en 1996. La dispersion s’effectue quelquefois sur des voies sélectives que l’on appelle « filtres » : certains taxons peuvent passer, d’autres non. Ce sont généralement des séries d’îles formant un passage discontinu (stepping stones, en anglais). De tels cas correspondent aujourd’hui aux Caraïbes[...]
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Écrit par
- Jean-Claude RAGE : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
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