PALÉOSISMOLOGIE
Comment mettre à jour l'histoire sismologique ancienne ?
L'idée à la base de la paléosismologie est que les séismes de forte magnitude (c'est-à-dire supérieure à environ 6,5) provoquent des déformations du sol suffisamment importantes pour que celles-ci soit préservées, au moins partiellement, au cours du temps, et qu'elles nous renseignent aujourd'hui sur les séismes d'hier. Ainsi, au cours des vingt dernières années deux méthodes principales ont émergé, lesquelles ont permis des avancées importantes dans notre connaissance du cycle sismique : d'une part, les tranchées paléosismologiques sur les grandes failles continentales et, d'autre part, le travail sur les coraux dans les zones de subduction.
Les tranchées paléosismologiques, archéologie des séismes
Cette technique initiée au milieu des années 1980, devenue pleinement mature dans les années 1990, est maintenant un outil classique de la sismotectonique avec la généralisation des techniques de datation haute résolution au carbone 14. Elle s'applique aux failles continentales (par opposition aux failles sous-marines), dans des contextes de déformation tectonique très variés (décrochement horizontal, compression, extension). Le principe en est le suivant : chaque séisme, s'il est d'une magnitude suffisante, provoque une rupture à la surface de la Terre, appelée rupture cosismique. Dans le cas d'un décrochement par exemple, le séisme va provoquer le déplacement d'une lèvre de la faille par rapport à l'autre. Ce déplacement, qui se produit en quelques secondes, peut être de plusieurs mètres. Pour le séisme de magnitude 7,3 qui frappa Izmit (Turquie) en 1999, le déplacement horizontal a pu atteindre localement 5 mètres. La longueur sur laquelle s'effectue cette rupture dépasse généralement plusieurs kilomètres pour atteindre, dans le cas du séisme de Kokoxili (Chine, 2001), une longueur record de 430 kilomètres. Avec le temps, cette trace, en surface, du séisme va être érodée et éventuellement disparaître. Les grandes ruptures continentales restent rares et font donc l'objet d'interventions postsismiques le plus rapidement possible après le séisme, afin d'enregistrer un maximum d'informations sur les traces de surface, avant que l'érosion ne commence son œuvre. À certains endroits cependant, en raison de conditions particulières de sédimentation, ces traces peuvent être préservées car elles sont enfouies sous des sédiments postérieurs au séisme (dans une plaine d'inondation par exemple, où chaque année la rivière va apporter de nouveaux sédiments). La trace de la rupture est donc en quelque sorte fossilisée. Cet apport de sédiments est souvent associé au charriage par la rivière de matière organique qui se dépose en même temps que les sédiments et qui pourra, par la suite, être utilisée pour dater l'âge des dépôts. Ce processus d'enfouissement des ruptures sismiques va éventuellement se répéter lors de chaque séisme. L'objectif des paléosismologues va donc être de repérer ces pièges à sédiments, pour ouvrir une tranchée qui permettra de mettre à jour l'enregistrement le plus long possible de séismes anciens (fig. 1). De manière générale, parce que l'enregistrement sédimentaire n'est pas forcément excellent ou parce qu'on est limité par l'affleurement de la nappe phréatique par exemple, il est souvent difficile d'identifier plus de trois ou quatre séismes successifs dans une tranchée. Il existe cependant quelques sites exceptionnels où il a été possible de documenter un catalogue de sismicité comprenant plus d'une dizaine de séismes. Dans ce cas, les approches statistiques de validation des modèles commencent à avoir un sens.
Dans certains cas particuliers, où la préservation des objets morphologiques est[...]
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Écrit par
- Yann KLINGER : docteur en sismo-tectonique, chargé de recherche au C.N.R.S., Institut de physique du globe de Paris
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