PALMYRE
L'étonnement que l'Anglais Robert Wood ressentit lors de la découverte des ruines de Palmyre, le 14 mars 1751, fut partagé par tous les voyageurs qui lui succédèrent dans cette oasis du désert de Syrie, avant que les fouilles françaises, polonaises, suisses et syriennes ne fassent mieux connaître l'urbanisme de cette ville, marqué par de grandes voies à colonnades, les temples et les tombeaux, avec leur architecture et leur sculpture originales. Toutes ces constructions remontent aux iie et iiie siècles de notre ère, époque à laquelle Palmyre, après de longs siècles d'obscurité, conquit un rôle commercial et militaire de premier ordre. Au milieu du iiie siècle, la ville était devenue le boulevard de l'Empire en Orient, et ses chefs allaient prendre la direction du monde romain quand l'empereur Aurélien la brisa irrémédiablement en 273.
La grandeur éphémère et l'étrange destin de Palmyre posent bien des questions : comment cette oasis connut-elle une prospérité qui lui valut un cadre urbain digne des plus grandes métropoles de la Méditerranée orientale ? Comment expliquer l'originalité de sa civilisation, qui emprunte au monde classique gréco-romain comme au milieu indigène sémitique ? Pourquoi, enfin, sa chute fut-elle si brutale et définitive ?
L'ascension de Palmyre
Palmyre se trouve dans une situation géographique avantageuse, à égale distance des riches plaines du « Croissant fertile » : plaine du Hauran, oasis de Damas, vallée de l'Oronte, plaine d'Alep et vallée de l'Euphrate ; de plus, à travers la chaîne côtière, la trouée de Homs permet de passer de la vallée de l'Oronte au littoral. Palmyre se trouve en outre au pied d'un col qui franchit la longue crête de collines crayeuses coupant le désert du sud-ouest au nord-est, de Damas à Deir ez-Zor sur l'Euphrate. Carrefour de caravanes, Palmyre offre à celles-ci les ressources d'une eau abondante qui irrigue aujourd'hui encore une vaste palmeraie. Les steppes avoisinantes permettent l'élevage de troupeaux, et les salines toutes proches ne sont pas non plus sans intérêt.
Habitée dès la préhistoire, l'oasis reçut le nom de Tadmor, mot probablement d'origine présémitique, qui apparaît pour la première fois au début du IIe millénaire avant J.-C., sur une tablette de Kultepe en Cappadoce. L'oasis, alors aux mains des Amorrhéens, est à nouveau mentionnée dans deux lettres cunéiformes des archives de Mari, au xviiie siècle, avant de retomber dans l'oubli jusqu'au xie siècle, quand Téglat-Phalasar traverse le désert et chasse de Palmyre les Araméens, qui s'étaient substitués aux Amorrhéens. Dans la Bible enfin, on trouve « Tamar au désert », identifiée avec Tadmor. La langue palmyrénienne est d'ailleurs un dialecte araméen ; elle fut déchiffrée en 1754 par l'abbé Jean-Jacques Barthélemy ; l'inscription la plus ancienne date de 44 avant J.-C.
Tadmor était devenu un centre important qui, au ier siècle avant J.-C., « cherchait en Perse les produits de l'Inde et de l'Arabie, pour les revendre chez les Romains », selon le témoignage d'Appien, confirmé par Pline l'Ancien : « Palmyre jouit d'un sort privilégié entre les deux grands empires, celui des Romains et celui des Parthes, et tous deux la sollicitent, dès que renaissent les conflits. » C'est à cette époque qu'apparaît le nom gréco-latin de Palmyre, dérivé du latin palma.
Palmyre perdit sa liberté au début de l'Empire : Germanicus, honoré dans une dédicace de l'année 19 de notre ère, fixa le premier tarif douanier, et envoya un notable de la ville en mission à l'embouchure de l'Euphrate ; une aile de cavalerie romaine stationne à Palmyre au iie siècle, tandis que des archers palmyréniens figurent dans l'armée romaine[...]
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Écrit par
- André LARONDE : membre de l'Institut, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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