PANAMÉRICANISME
Dissensions interaméricaines
Les institutions panaméricaines n'ont pas toutes fonctionné avec un égal bonheur. Certes, sur le plan administratif, une œuvre non négligeable a été accomplie, particulièrement au niveau de la qualification du droit international privé.
Les rouages et procédures mis en place à Rio et à Bogotá ont permis de résoudre pacifiquement divers conflits survenus, notamment, entre pays d'Amérique centrale. Lorsqu'une situation contentieuse apparaît, produite, en général, par l'intrusion dans un pays de forces de rébellion ayant pris leur départ d'un territoire voisin, l'organe de consultation se réunit immédiatement, au niveau du Conseil ou des ministres des Affaires étrangères, nomme une commission d'enquête et obtient un réglement au moins provisoire.
En revanche, la Conférence panaméricaine ne s'est tenue qu'en 1954 à Caracas. Elle fut le théâtre de l'opposition fondamentale des points de vue de l'Amérique latine et des États-Unis ; le malentendu est à la fois économique et politique.
Les gouvernements latino-américains, se montraient déçus de voir la générosité américaine se répandre sur le monde après avoir permis la reconstruction de l'Europe grâce au plan Marshall, sans qu'ils reçoivent eux-mêmes une aide gouvernementale systématique ; Washington ne s'adressait à une Amérique latine livrée au désarroi du sous-développement que pour lui demander une coopération politique de plus en plus étroite pour lutter contre le communisme.
À la Conférence de Caracas, Foster Dulles répondait « Trade, no aid », aggravant encore les désillusions latino-américaines. Le voyage du vice-président Richard Nixon en 1958 fut marqué de violentes manifestations antiaméricaines.
La même année, le président du Brésil, J. Kubitschek, proposait un programme : l'Opération panaméricaine, préconisant une mobilisation de toutes les républiques et des États-Unis pour lutter contre le sous-développement. Il ne s'agissait plus d'obtenir une simple aide bilatérale de Washington, mais de mettre sur pied un véritable plan à l'échelle continentale, supposant des réformes profondes de structures.
Ce programme fut repris par le président J. F. Kennedy, qui l'exprima dans l' Alliance pour le progrès. Déjà, en 1959, avait été créée la Banque interaméricaine de développement, afin de favoriser les investissements des capitaux publics et privés et, en 1960, le Fonds des opérations spéciales pour la réalisation d'équipements économiques et le Fonds de gestion pour le progrès social étaient venus s'y ajouter. Mais c'est en 1964, à la conférence de Punta del Este, que fut consacrée l'Alliance pour le progrès, plan décennal de développement économique et social pour lequel les États-Unis s'engageaient à fournir la plus grande part des vingt milliards de dollars nécessaires à l'entreprise.
Le malentendu semblait résolu, le nouveau président ayant compris les besoins profonds des pays du Sud ; mais, outre les résistances du Congrès s'efforçant de rogner les crédits, le programme devait se heurter à celles des élites traditionnelles qui, en Amérique latine, rechignaient devant les réformes agraires fiscales, sociales et hâtaient l'évasion des capitaux. Dès lors, après l'assassinat du président Kennedy, l'Alliance devait perdre beaucoup de son dynamisme et se solder, en définitive, par un échec. Cette désillusion au plan économique rejoignait le trouble politique consécutif à l'instauration à Cuba d'un régime que Fidel Castro avait fini par déclarer marxiste-léniniste.
En 1962, les États-Unis avaient obtenu de l'O.E.A. l'expulsion du gouvernement cubain et, en octobre de la même année, l'affaire des missiles soviétiques avait été l'occasion pour[...]
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Écrit par
- René Jean DUPUY : professeur au Collège de France
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