PANGERMANISME
À l'origine, le pangermanisme traduit le désir de réaliser l'unité politique et culturelle de l'Allemagne et de faire saisir aux Allemands dispersés entre plusieurs États (avant 1848 la Prusse, l'Autriche et les nombreux membres de la Confédération germanique) qu'ils doivent collaborer à cette unification. Avant la création du IIe Reich en 1871, le pangermanisme était synonyme de nationalisme allemand. Ses adhérents rêvaient alors d'un État unique englobant tous les États et toutes les provinces germanophones d'Europe centrale, sentiment que traduisait en 1841 le poète Ernst Moritz Arndt.
Après les succès de Bismarck, le pangermanisme acquit une coloration différente ; certains de ses objectifs le distinguaient du nationalisme allemand classique. Il y eut surtout un pangermanisme en Allemagne différent du pangermanisme autrichien. Le pangermanisme était dans le Reich modelé par la Ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband) issue en 1894 de l'Allgemeiner Deutscher Verband (elle-même fondée en 1891) afin de favoriser les intérêts économiques de l'Allemagne outre-mer. Très vite la Ligue se mit à étendre ses activités, développant la propagande patriotique, vantant la grandeur du Reich, renforçant la solidarité des Allemands de l'extérieur. Mais surtout elle encouragea une politique étrangère agressive chez les dirigeants de Berlin et fut moins un porte-parole de l'unification des Allemands qu'un groupe de pression favorable à l'impérialisme. La Ligue devint petit à petit raciste et antisémite, favorable à des annexions en Europe et hostile au maintien de l'Autriche-Hongrie, mais jusqu'au début de la Première Guerre mondiale, elle fut en principe loyale à la politique bismarckienne et ne se mêla pas des affaires intérieures de la Monarchie danubienne. Elle recrutait la plupart de ses membres dans le Parti national-libéral, très conservateur et qui souhaitait essentiellement maintenir l'ordre social dans le cadre du IIe Reich.
Friedrich Naumann renouvela l'idée pangermaniste avec son concept de Mitteleuropa (littéralement : Europe centrale), selon lequel le Reich et l'Autriche seraient le noyau d'une Confédération qui engloberait Hollandais, Flamands, Scandinaves, voire les Turcs et les peuples balkaniques. Mais cette idée resta jusqu'à la guerre l'apanage d'un petit groupe d'intellectuels, tout comme les théories de Gustav Schmoller sur un « espace grand allemand ».
Dans la Monarchie danubienne, le pangermanisme atteignit d'abord une petite minorité d'Allemands d'Autriche qui, après 1866, refusèrent d'être séparés des Allemands du Reich et envisagèrent l'annexion de l'Autriche allemande au Reich, même au prix de la destruction de leur propre patrie. Les pangermanistes autrichiens se distinguaient de partisans d'une Grande Allemagne qui auraient voulu regrouper les États d'Allemagne du Sud et l'Autriche dans un grand État jouissant des mêmes droits que la Prusse. Les pangermanistes répudiaient en fait les valeurs traditionnelles et avaient une vision apocalyptique d'un paradis germanique, d'où serait bannie la « corruption moderne ». Ils répudiaient toutes les valeurs du xixe siècle, le parlementarisme, le libéralisme, le socialisme, les libertés, l'égalité civique. Ils trouvèrent une audience dans les milieux populaires. Le mouvement pangermaniste se situait hors des cadres politiques classiques, il prônait l'action directe, la violence, la force étant le seul argument qu'il employait. En ce sens il annonçait les méthodes politiques du xxe siècle. Il fut dominé par Georg Schönerer, dont les théories ont influencé Hitler et Alfred Rosenberg, le doctrinaire du parti nazi. La filiation est claire tant dans les méthodes (violence, action directe) que dans les buts[...]
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Écrit par
- Jean BÉRENGER : professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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