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PANTHÉISME

L'essence du panthéisme

L'affirmation principielle du panthéisme porte sur l'Unité de l'Être, c'est-à-dire sur l'unité homogène et dynamique de la Totalité. Immanence et totalité se trouvent aussi bien chez Plotin et Bruno que chez Spinoza, Schelling ou Hegel.

Cette Unité-Totalité est Dieu. Mais, tandis que les stoïciens, Plotin ou Bruno voient en ce Dieu Nature un grand animal vivant, et Hegel un Esprit aux multiples figures, Spinoza n'affirme rien de cet être, qui est pure autonomie infinie de la Nature.

Cependant, chez Spinoza comme chez tous les « panthéistes » (ce mot n'est d'ailleurs utilisé par aucun des philosophes de la Totalité), le problème essentiel réside dans les rapports de l'Être à ses modalités finies. Bruno, Plotin ou Schelling n'hésitent pas à parler d'ombre et de simulacre à propos du monde sensible, ou même de chute (comme Schelling) ou d'aliénation (comme Hegel). Pour Spinoza, la partie n'est pas le tout, mais, éclairée par la connaissance rationnelle, elle peut s'intégrer au tout. Il bannit totalement les idées de chute, de mal, de finitude au sens religieux. Ni le monde comme nature ni l'homme comme idée du corps ne sont à expliquer par les vieux concepts de chute ou de péché, concepts qu'on retrouve encore, mais voilés, chez Plotin, chez Bruno ou chez Schelling. L'opposition de la totalité et des parties est simplement objective et rationnelle. Seule l'ignorance de la nécessaire intégration des parties dans leurs totalités respectives et dans le Tout est une servitude : mais elle est issue de l'imagination humaine, de la passion et de la superstition.

En fait, les choses singulières ne sont pas tombées hors de l'être, ni soumises à l'être. L'être, comme les choses qui l'expriment, se déploie selon une nécessité rigoureuse qui concerne tous les êtres.

Mais, tandis que, à propos de cette nécessité cosmique, les Grecs parlent de providence ou de destin, Bruno de secrets magiques de la Nature, et Schelling de religion ésotérique et de contact avec Dieu, Spinoza seul considère en tous les cas cette nécessité comme un principe objectif et rationnel.

Pourtant Schelling et Hegel n'ont pas tort de penser que la nécessité au sein de la totalité n'exclut pas le mouvement de l'être vers la liberté. Le panthéisme n'est pas un fatalisme. On le voit bien chez Spinoza, dont la doctrine, d'une façon apparemment paradoxale, inclut à la fois la nécessité cosmique et psychologique et la liberté humaine. Mais celle-ci n'est pas, comme chez les Allemands, issue de la négativité, elle exprime au contraire la positivité et la plénitude de l'individu qui, par la réflexion et l'adéquation, parvient à sa propre totalisation et s'intègre à la totalité Une.

Quoi qu'il en soit, le « panthéisme » est toujours une doctrine de la libération intérieure par l'adhésion à l'être et le refus de la transcendance. Cette implication éthique et existentielle (se prolongeant en cette conséquence politique : la démocratie) semble avoir été exprimée avec une force particulière par Spinoza. Si Schlegel avait raison de dire que la plus haute forme du panthéisme est le spinozisme, Hegel n'avait pas tort non plus de dire que tout philosophe authentique commence par être spinoziste.

C'est affirmer par là que le commencement et la fin de toute philosophie pourraient être l'unification de l'être et l'unification du soi, et il faut voir dès lors dans la démarche qu'on trouve chez Plotin, Spinoza et Hegel une étape nécessaire de la conscience philosophique.

Mais le panthéisme n'est pas seulement un système unitaire du monde en tant que celui-ci parvient à une sorte de conscience de soi ; c'est aussi une sorte de voie philosophique devant conduire à une[...]

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