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PINO PAOLO (actif entre 1534 et 1564)

Peintre et théoricien de l'art formé dans le milieu néo-giorgionesque, Paolo Pino est l'auteur d'un Dialogue sur la peinture (Dialogo di pittura, 1548) qu'on peut considérer comme le reflet des débats esthétiques qui passionnaient les artistes actifs à Venise au milieu du xvie siècle. L'importance de cet écrit réside avant tout dans son parti quasi polémique d'affirmer, à la suite des réflexions de Michiel et de l'Arétin, la valeur de la tradition figurative vénitienne face à l'hégémonie des peintres et des théoriciens toscans. Pour la première fois dans l'historiographie artistique vénitienne, Pino aborde des problèmes théoriques et pratiques suivant une interprétation qui, bien qu'encore tributaire de la pensée humaniste florentine, prône l'indépendance et l'originalité du goût des artistes de la Sérénissime. Le Dialogue met en présence le Vénitien Lauro, décrit dès les premières pages sous les traits d'un peintre sensitivo qui mesure significativement la profondeur du clivage entre beau naturel et beau artistique (« La Beauté étant œuvre de la nature, comment voulez-vous que mon choix et mon jugement soient fixés par les règles de l'art ? »), et le Florentin Fabio, pour qui la connaissance des principes canoniques d'origine classique, par définition étrangers au domaine de la nature, constitue le plus sûr moyen d'établir une sorte d'équilibre entre les deux beautés. Passant à l'éloge de ces principes, Pino s'étend sur l'importance de la perspective en des termes qui trahissent un attachement encore profond aux doctrines de la Renaissance florentine. Pourtant il apparaît singulièrement moderne — sensible en l'occurrence aux suggestions du maniérisme vénitien — dans un passage consacré à la proportion des figures ; tout en acceptant le canon vitruvien, plus sûr à son avis que le « jugement de l'œil », il met en doute sa mise en application quand il s'agit de représenter des personnages en mouvement. Cette défiance à l'égard d'un des chapitres les plus normatifs de la théorie des arts, de Ghiberti à Dürer, est révélatrice d'une intuition de Pino sur les changements intervenus dans la position des peintres de la génération de Tintoret par rapport à l'idéal abstrait et rationnel de l'époque d'Alberti. Après un plaidoyer en faveur de la prééminence de la peinture au sein des arts libéraux, Pino entreprend de définir l'essence de cet art en recourant à une division rhétorique désormais classique en « dessin », « invention » et « couleur ». Mais ces catégories sont subdivisées en qualités qui font écho aux goûts maniéristes. Ainsi le « dessin », qui chez Alberti signifie « contour » (circoscrizione), se transforme-t-il en une notion assez empirique d'« esquisse » (schizzo), dont la complexité implique des valeurs formelles fort étrangères à l'idéal albertien ; dans son examen de l'« invention », le théoricien insiste sur la nécessité de rendre des figures « mystérieuses et difficiles » ; enfin, à propos de la « couleur », la rapidité de l'exécution est élevée au rang d'une exigence canonique. Le Dialogue se termine par un portrait social et artistique du parfait peintre et par l'évocation des difficultés auxquelles se heurtent ceux qui professent la peinture, supérieure à la sculpture dans la mesure où elle est non seulement capable de rendre la forme des objets, mais encore de représenter les divers aspects de la matière qui les constitue ; supérieure parce qu'elle peut évoquer les phénomènes atmosphériques, les paysages. Pour apporter un argument définitif à la défense de la peinture, Pino cite avec un orgueil naïf l'exemple du Saint Georges de Giorgione, dont l'image est[...]

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