SORRENTINO PAOLO (1970- )
Au début des années 2000, le cinéma italien peine à exister sur le marché international. Paolo Sorrentino fait alors partie des rares cinéastes transalpins capables de mêler succès national et rayonnement à l'étranger.
Né à Naples le 31 mai 1970, il a grandi dans un quartier assez aisé de la ville, le Vomero. Son père était directeur de banque. Adolescent, il rêve plutôt de littérature, et perd brutalement ses parents dans un accident à l'âge de dix-sept ans. Il connaît ce qu'il appelle son « chemin de Damas » avec la découverte des films de Federico Fellini. Dès lors, ses premières collaborations, comme assistant, scénariste ou réalisateur de courts-métrages, se font avec des Napolitains, comme Maurizio Fiume, Stefano Incerti, Antonio Capuano ou Enzo De Caro. Il participe à l'écriture du téléfilm La squadra consacré à la vie d'un commissariat de sa ville natale. L'acteur de théâtre Toni Servillo interprète son premier long-métrage, L'Homme en plus (2001) et le deuxième, Les Conséquences de l'amour, présenté en sélection officielle au festival de Cannes 2004. Sorrentino n'a alors que trente-quatre ans, et son exigence formelle le distingue de ses compatriotes à l'esthétique parfois plus convenue. Jamais chez lui, un plan n'est conforme à l'attente du spectateur. Toujours surpris, celui-ci est emporté par l'inventivité, les audaces de cadre et de montage. Le soin apporté à la bande musicale procède du même souci de distinction formelle.
Paolo Sorrentino poursuit cet itinéraire cannois : après L'Ami de la famille, en sélection officielle en 2006 et interprété par l'inquiétant Giacomo Rizzo, c'est le succès éclatant de Il divo, prix du jury en 2008, et probablement son chef-d'œuvre. Il part ensuite aux États-Unis pour réaliser This must be the place (2011). Sean Penn y crée, comme l'avait fait Servillo, un personnage cinématographique totalement nouveau. L'idée de « rôle de composition » prend chez Sorrentino tout son sens, que ce soit Toni Servillo, Giacomo Rizzo ou Sean Penn qui relèvent le défi. Ce dernier film est également en sélection officielle sur la Croisette.
Le goût du baroque
Paolo Sorrentino est un auteur baroque. Ainsi, il n'est pas absurde de comparer Il divo au Citizen Kane d'Orson Welles. Le sujet est le même, le pouvoir et sa conservation. Mais le traitement aussi est analogue. Il se caractérise par la virtuosité mais aussi, aspect peu cité au sujet du film de Welles, par la satire, l'humour destructeur, le goût de la caricature, de l'hyperbole et de la grimace. Dans les deux films, une sorte d'énorme joie est renforcée par le sens du baroque des deux cinéastes.
L'inventivité formelle qui caractérise ce film ne néglige pas le plaisir du spectateur. Le choc représenté par Il divo est dû aussi à la performance d'acteur de Toni Servillo. Incarnation de la jouissance du pouvoir, Giulio Andreotti, homme politique né en 1919, présent depuis la Seconde Guerre mondiale dans la vie du pays, celui que les Italiens ont nommé « l'inoxydable » est entièrement récréé dans Il divo. Il évoque à la fois Don Corleone, Lady Macbeth et Caligula. La mélancolie est là, mais la jouissance, dissimulée par l'impassibilité, l'humour à froid du personnage, est bien le moteur de la marionnette monstrueuse qu'inventent les deux complices. Dans L'Ami de la famille, portrait d'un usurier pervers, la jouissance du pouvoir était déjà présente. Dans Les Conséquences de l'amour, un mafieux a renoncé à son pouvoir : seule la mélancolie demeure. Le personnage interprété par Servillo y retrouve la dignité avec le sacrifice inutile et presque insolent de sa propre vie.
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Écrit par
- René MARX : critique de cinéma
Classification
Média