UCCELLO PAOLO (1397-1475)
La maturité
Le premier travail monumental du peintre est constitué par la représentation, signée et documentée (1436), du Monument funèbre de Giovanni Acuto (italianisation du nom du célèbre condottiere anglais John Hawkwood, † 1394). Fruit de recherches acharnées, il peut être considéré comme la première solution que la Renaissance a donnée du thème du groupe équestre, dressé dans un équilibre solennel.
C'est de cette époque que doivent dater les trois épisodes de la Bataille de San Romanorépartis aujourd'hui entre le Louvre, la National Gallery et les Offices : l'événement historique – important seulement pour ses conséquences politiques – se présente sous les apparences d'un rêve ; la bataille qui se déroule dans une paisible campagne lunaire prend l'aspect d'une lutte monstrueuse ; les armures aux plaques d'argent, les cimiers, les étendards, les chevaux vus sous toutes sortes de raccourcis donnent lieu à une série illimitée d'intersections dans lesquelles l'œil qui voudrait reconstruire des figures singulières se perd comme dans un labyrinthe.
Si les fresques du cloître du monastère des Anges, que Vasari admirait comme exemple de « grand dessin », sont perdues, il reste cependant, pour apprécier dans sa plénitude l'imagination de l'artiste, la lunette, avec les Scènes de la vie de Noé, ajoutée sur les murs du Chiostro verde quelque vingt années après les Épisodes de la Genèse. La représentation du Déluge universel et retrait des eaux offre une impressionnante fuite perspective dans laquelle les certitudes optiques, bouleversées du fait de la perturbation atmosphérique, donnent lieu à toute une série de « tromperies » : ce sont les deceptiones visus des traités du Moyen Âge, dont le déchiffrement confère à la scène une indicible angoisse protéiforme. En dessous s'étendent les scènes représentant les Sacrifice et ivresse de Noé, plus calmes et plus détendues, mais non dépourvues de suggestions fantastiques : ainsi, la figure qui apparaît en haut, renversée, pourrait être, plutôt que celle de l'Éternel, la figure même de Noé reflétée, par l'effet d'une météorologie imaginative, dans le « miroir concave » de l'arc-en-ciel.
Certains dessins de mazzocchi, sortes de couvre-chefs de bois ou d'osier qui servaient de support à un bonnet et à une écharpe, taillés à facettes (aux Offices), témoignent des exercices de virtuosité du peintre, ce pour quoi, si l'on en croit Vasari, il dut subir les reproches de son ami Donatello. S'obstinant dans cette direction, au moins à partir du milieu du siècle, Uccello s'éloigne toujours plus de la ligne générale de la Renaissance, dont l'humanisme conduisait les artistes à concentrer leur intérêt sur la figure humaine. Il semble, au contraire, attaché à l'idée que la nature l'emporte sur l'homme – un homme qu'il présente chargé de tout le poids de la matière dans la Création (Épisodes de la Genèse au Chiostro verde), renversé par les éléments déchaînés dans le Déluge, transformé en automate dans les Batailles, réduit à l'état de marionnette animée dans les dernières œuvres telles que la Chasse nocturne d'Oxford et les histoires de la Profanation de l'hostie de la Galleria nazionale delle Marche à Urbin.
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Écrit par
- Alessandro PARRONCHI : professeur à l'Istituto di storia dell'arte, università degli studi di Firenze
Classification
Médias
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