PAPYROLOGIE
« Le xxe siècle, prédisait Mommsen, sera celui de la papyrologie, comme le xixe a été celui de l'épigraphie. » C'est que la papyrologie était alors une discipline récente : le mot est né en Angleterre en 1898. Son érection en science indépendante est liée aux découvertes considérables des fouilleurs, notamment britanniques, en Égypte vers 1890, qui inaugurèrent l'« ère papyrologique ». La papyrologie proprement dite étudie tous les documents écrits sur matière périssable ( papyrus, ou ostraca, écrits sur tessons de terre cuite, débris de bois), mais seules les conditions climatiques égyptiennes ont permis à de tels documents de franchir plusieurs millénaires. C'est pourquoi le sens du mot est restreint aux documents d'origine égyptienne, écrits en grec (ou en latin), qui seuls sont en nombre suffisant pour constituer une étude particulière ; pour les textes écrits en hiéroglyphes, en copte, en araméen, en pehlevi..., il n'existe pas de science spéciale.
Des conditions particulières
De la conquête d'Alexandre à l'invasion arabe, de 331 avant J.-C. à 641 après J.-C., le grec est resté la « langue officielle » de l'administration égyptienne, en même temps que celle de l'élite, cultivée et fortunée, des descendants des Macédoniens. La conquête romaine ne modifia que très peu l'organisation ptolémaïque, et on n'a que 345 papyrus latins d'Égypte, recueillis dans le Corpus papyrorum latinarum par R. Cavenaile. L'« ère des papyrus » coïncide exactement avec cette période. Le plus ancien document daté est un contrat de mariage trouvé à Éléphantine (actuel site d'Assouan) et remontant à 311 avant J.-C., au temps où Ptolémée Sôter se disait encore « satrape » d'Alexandre (et c'est le nom d'Alexandre le Grand qui se lit à la première ligne). Les plus récents textes donnent la correspondance, datée de 710, d'un gouverneur arabe et de l'administration grecque d'un village. Les fouilles ont mis au jour plusieurs dizaines de milliers de documents (quatre mille pour le seul site d'Oxyrynchos) dont la plupart, à la différence des textes épigraphiques, n'étaient pas destinés à survivre. Reçus, contrats, lettres privées, pétitions forment l'essentiel de la documentation, qui nous restitue « sur le vif » les moindres détails de la vie quotidienne : on possède des exercices d'écolier comme des horoscopes, des lettres au roi comme des rapports de police, des invocations magiques comme des prières chrétiennes ; on aura une idée de cette diversité en feuilletant les deux premiers volumes des Select Papyri.
Ce « miracle » n'est possible que grâce aux conditions climatiques. Depuis la première dynastie (date des rouleaux de papyrus trouvés à Sakkara dans la tombe du « vizir » Hemaka), les Égyptiens traitent les fibres du Cyperus papyrus, plante des marais et des bords du Nil, suivant la méthode décrite par Pline (livre XIII) pour obtenir cet ancêtre du papier qu'est le papyrus ; le commerce s'en étendit à tout l'Empire romain qui, avant d'utiliser le parchemin, écrivait sur papyrus. Mais ses fibres ne supportent pas l'humidité : seule l'action préservatrice des sables permit la survie des documents, sous les débris de maisons, les tas de déchets, dans les cimetières (les textes inutiles, revendus, servaient de cartonnage aux momies). Cette règle ne comporte que deux exceptions notables : les papyrus conservant des fragments d'épicuriens extraits, en 1752, des laves d'Herculanum, et le texte orphique découvert, en 1962, carbonisé mais encore lisible, dans une jarre close à Derveni près de Salonique. Mais, comme l'Égypte est un don du Nil, les papyrus sont un don des sables : le Delta n'en a jamais rendu.
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Écrit par
- Patrice CAUDERLIER : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon
Classification
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