PAPYROLOGIE
Des textes fragiles, mais un apport précieux
Le travail du papyrologue consiste à lire et à transcrire, puis à dater et commenter les documents qu'il possède. Le plus souvent l'écriture est cursive, les lettres sont ligaturées ; la graphie évolue suivant les époques, de la « sécheresse » des archives de Zénon aux fioritures byzantines. Dans la plupart des cas, le papyrus ne parvient pas indemne : l'éditeur doit en combler les lacunes, ce qui est souvent possible grâce aux textes parallèles. Il existe aussi des ouvrages spécialement établis d'après la documentation papyrologique, tels que dictionnaire, recueil de noms propres, liste de corrections, dont la conception est due à F. Preisigke. La plupart des grandes villes universitaires, des grands musées possèdent leur collection de papyrus, d'importance variable : en France, Paris et Strasbourg. Les textes y sont parvenus au hasard des acquisitions, et ce hasard a parfois partagé les pièces d'un même dossier entre plusieurs collections. Les papyrus sont cités d'après la collection à laquelle ils appartiennent (ou encore leur lieu d'origine) et leur ordre de publication.
On distingue traditionnellement papyrus littéraires et papyrus documentaires. Les philologues n'accordent en règle générale qu'une valeur relative aux leçons des papyrus : ce sont souvent des copies hâtives, destinées à l'usage personnel. Ainsi, le somptueux Papyrus d'Antinoé(t. I, no 29), superbement écrit, contient un texte des Géorgiques très fautif. Néanmoins, leur antériorité de six à huit siècles par rapport aux manuscrits donne une autorité aux leçons confirmées par d'autres témoignages. Le grand apport de la papyrologie en ce domaine est la découverte de textes nouveaux, qui ont attiré sur elle l'attention. Ainsi, en 1891, étaient édités la Constitution d'Athènes d'Aristote puis les Mimes d'Hérondas, d'après des papyrus du British Museum. Depuis, des fragments inédits de Sophocle, d'Euripide, d'Hypéride ont été restitués ; des auteurs nouveaux comme Bacchylide, Timothée de Milet ou l'historien anonyme d'Oxyrynchos sont accessibles, sans parler de Ménandre dont l'œuvre, jadis connue par ses seuls titres, est ressuscitée grâce à des papyrus : en 1958, V. Martin éditait le Papyrus Bodmer IV contenant presque intégralement la comédie du Dyscolos. De même, l'historien des religions n'omettra pas l'appoint de tels documents : ils lui ont rendu des Évangiles apocryphes, des Actes de saints et de martyrs, les célèbres Paroles de Jésus, ainsi que des textes dogmatiques comme le Pasteur d'Hermas ou les Entretiens d'Origène avec Héraclite, publiés par J. Scherer en 1949. Ces textes littéraires sont très difficiles à dater, sauf lorsqu'ils occupent le verso d'un texte documentaire (on peut ainsi savoir que la Constitution d'Athènes a été copiée entre 80 et 100 après J.-C.).
La grande masse des textes est d'ordre documentaire. Ils permettent de pénétrer avec exactitude les moindres détails de l'administration municipale, de l'armée, de la justice, de la fiscalité, de la vie ecclésiastique, de la vie quotidienne en somme. Certains textes groupés sont des dossiers qui restituent les archives d'un personnage : revivent ainsi, avec leur entourage, Zénon, l'intendant du « ministre des finances » de Ptolémée Philadelphe ; Abinnaeus, commandant vers 350 les cavaliers romains de Dionysias ; ou, à l'époque tardive, la famille des Apion, propriétaires fonciers et hauts dignitaires byzantins ; ou encore Dioscore, « notaire » du village d'Aphrodito. D'autres sont isolés, et le papyrologue doit alors les dater et les commenter, en s'appuyant, là encore, sur les textes analogues, au fur et à mesure de leur publication.[...]
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Écrit par
- Patrice CAUDERLIER : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon
Classification
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