PAQUIN
Pendant toute la fin du xixe siècle et le premier tiers du xxe siècle, la maison Paquin, à Paris, offrit à la couture un modèle de développement. L'origine du nom est ancienne – selon Dominique Sirop, lui-même couturier, auteur d'une monographie et organisateur d'une exposition Paquin à Lyon en 1989, Paquin frères désigna d'abord un magasin de confection pour hommes installé à Caen dans les années 1840 –, avant que, en 1889, Isidore Jacob, dit Paquin, ne fonde avec deux associés la maison Paquin, Lalanne et Cie. Dès l'ouverture, Jeanne Beckers est engagée comme modéliste. Elle deviendra, en 1891, l'épouse d'Isidore Jacob, qui, quelques semaines auparavant, avait racheté les parts de Madame Lalanne, transformant ainsi la société en Paquin et Cie. Huit ans plus tard, Isidore Jacob est autorisé à ajouter Paquin à son patronyme ; c'est ce dernier nom qui passera à la postérité.
Le couple possède des talents complémentaires : elle se charge de la création, lui de la gestion et du négoce. Ensemble, ils définissent une identité suffisamment forte pour que la maison leur survive. Ainsi, lorsque meurt Isidore Jacob, en 1907, sa veuve met à la tête de l'entreprise son beau-frère, Henri Joire, pour en assurer la gestion financière et commerciale. Et lorsqu'elle-même décide de se retirer, au début des années 1920, elle passe le flambeau à Madeleine Wallis, laquelle cédera sa place à Ana de Pombo l'année même du décès de Jeanne Paquin, en 1936. Pendant l'Occupation, c'est Antonio Cánovas del Castillo qui assure la direction artistique de la maison et accueille le jeune Pierre Cardin, tandis que Colette Massignac devient directeur de la création après-guerre, juste avant d'être remplacée par le brillant Lou Claverie, qui s'impose avec sa ligne « Torpille ». Puis ce dernier cède sa place à l'Américain Alan Graham, avant la cessation d'activité définitive de la maison, survenue le 1er juillet 1956.
Chaque directeur artistique, tout en apportant à la maison Paquin une touche personnelle, s'est appliqué à respecter ce que l'on nommerait aujourd'hui une certaine « culture d'entreprise ». À une époque où les créations des maisons de couture étaient le plus souvent difficiles à identifier, Paquin parvenait à se distinguer de la concurrence (Poiret, Worth, Doucet, Callot Sœurs, etc.) par quelques particularités : un certain rouge, l'emploi récurrent de la fourrure, notamment en ornement, et une prédilection pour la dentelle précieuse, dont Jeanne Paquin ne se lassait pas. Mais, au-delà de ces caractéristiques formelles, c'est un état d'esprit qui s'est perpétué : une mode plutôt pratique et simple qui répond aux besoins des femmes, un style qui préfère retrancher plutôt qu'ajouter et, généralement, suit les lignes du corps, qui demeurent lisibles. Il serait enfin tentant d'y ajouter une attitude à l'écoute de la modernité, les collaborations avec les personnalités les plus éminentes dans leur domaine ayant toujours été recherchées du temps de Jeanne Paquin (exemple l'architecte et décorateur Robert Mallet-Stevens, le décorateur de théâtre Léon Bakst, les dessinateurs Paul Iribe et Georges Lepape, pour des publicités ou dans La Gazette du bon ton, ainsi que le peintre et architecte Louis Süe).
Une conception moderne de l'entreprise
Fondée en 1891 et installée au 3, rue de la Paix, à Paris, la maison Paquin est réputée pour être la mieux gérée de la capitale – on pourrait presque dire la mieux gérée du monde, tant dans le domaine de l'élégance Paris est encore, à cette époque, un leader incontesté. Elle est aussi la première entreprise de couture à atteindre une dimension internationale, en ouvrant des succursales à l'étranger. La société s'installe ainsi à Londres en 1897, puis en 1912[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Catherine ORMEN : historienne de la mode
Classification