PAR LES VILLAGES (mise en scène S. Nordey)
L’année théâtrale 2013 a été marquée par un triple événement : Par les villages, la pièce de Peter Handke, a été à nouveau représentée en France ; elle a été mise en scène par Stanislas Nordey ; elle a ouvert au palais des Papes le soixante-septième festival d’Avignon.
Un poème dramatique
Pour leur dernière année à la tête de la manifestation, Hortense Archambault et Vincent Baudriller avaient choisi, selon une pratique établie depuis 2004, un artiste associé, ou plutôt deux : Dieudonné Niangouna et Stanislas Nordey. Ce dernier, après avoir envisagé de monter Tête d’or de Paul Claudel, a préféré faire entendre dans la cour d’honneur un texte contemporain et une parole rare, celle du monde ouvrier. Il a conçu le spectacle en fonction des quarante mètres d’ouverture du lieu, et de ses deux mille spectateurs, mais aussi en fonction du Théâtre de la Colline, où il est artiste associé, et des diverses salles prévues pour une longue tournée. À la reprise de la pièce en novembre 2013, à la Colline, il l’a dédiée à la grande actrice Valérie Lang, morte pendant le festival d’Avignon, qui fut sa compagne, son interprète et dirigea avec lui le Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis. Pour sa première confrontation avec la légendaire cour d’honneur, Stanislas Nordey a donc pris le beau risque d’un texte, dont la création française par Claude Régy en 1983 au Théâtre national de Chaillot durait 4 h 30, et que l’auteur dans son journal de travail, L’Histoire du crayon, ne désignait que par l’expression « poème dramatique ».
Un essai de Frédéric Vossier, Stanislas Nordey,locataire de la parole (2013), réalisé avec l’artiste et divers témoins de son parcours, éclaire ce choix. Le metteur en scène s’y montre aussi hostile aux pièces trop commodes que Peter Handke peut l’être aux « dialogues et actions truquées du théâtre conventionnel ». Tous les deux partagent la même référence à l’œuvre d’Eschyle, que l’un rend indissociable de sa prédilection pour Pasolini, que l’autre a relue en entier avant l’écriture de Par les villages. Le « poème dramatique » s’inspire de la tragédie grecque, à travers notamment : le conflit qui se joue entre valeurs en apparence irréconciliables au sein d’une famille ; le choix de l’écriture chorale et de la parole épique ; le jeu devant un mur. Il fait suite à trois récits, Lent Retour, La Leçon de la Sainte-Victoire, Histoire d’enfant, et achève le long parcours qui a ramené Peter Handke en Autriche et lui a permis de dire le pays de ses origines. Il témoigne d’un itinéraire singulier, d’un regard nouveau sur le monde, d’une écriture métamorphosée par la quête. Il parle aussi, à travers le microcosme d’un village, des clivages de classes et de générations, d’une impossible réconciliation dans la permanence, de la mémoire des morts. À la lumière d’une fête tranquille, un creux séculaire dans un banc de pierre le long d’un cimetière peut devenir le lieu où coexistent les contradictions.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Monique LE ROUX
: maître de conférences honoraire à l'université de Poitiers, critique théâtrale de
La Quinzaine littéraire et deEn attendant Nadeau
Classification