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PAR LES VILLAGES (mise en scène S. Nordey)

Entre abandon et consolation

Exception dans sa génération, Stanislas Nordey privilégie le texte, tout le texte, en l’occurrence la traduction française de Georges-Arthur Goldschmidt, écrivain proche de Peter Handke durant des décennies. Quant aux acteurs, ils sont pour la plupart familiers de sa direction. Lui-même interprète le rôle de Hans, l’ouvrier resté au village, mais qui se voit déplacé de chantier en chantier. Il a fait de son « frère de théâtre », Laurent Sauvage, son frère de fiction, Gregor, sorte de double de l’auteur, écrivain transfuge de classe. Emmanuelle Béart, déjà présente dans d’autres de ses spectacles, complète le trio familial : vendeuse à l’origine du conflit, désireuse de devenir gérante de son propre magasin. Les autres rôles sont aussi tenus par des fidèles du metteur en scène : trois travailleurs, compagnons de Hans (Raoul Fernandez, Moanda Daddy Kamono, Richard Sammut), une vieille femme (Véronique Nordey). Pour la création au festival d’Avignon, Annie Mercier (l’intendante) et Jeanne Balibar (Nova) avaient rejoint la troupe. Cette dernière a été remplacée pour la reprise par Claire Ingrid Cottanceau, elle aussi collaboratrice régulière. Elle clôt la représentation avec la très longue adresse de Nova : « une déesse doit faire son apparition et proclamer, comme jadis, la consolation », prévoyait l’auteur, qui n’a pas souhaité achever la pièce sur la phrase de Hans : « Que l’humanité est abandonnée. »

Cette invocation finale constitue une véritable performance pour l’interprète face à un public déjà longuement sollicité. Mais tout le reste du texte est lui aussi constitué de déclarations de même niveau de langue, indépendantes du statut social des personnages, éventuellement perçues comme des monologues et conçues par Handke comme de « longs dialogues où l’un des partenaires répond profondément à l’autre ». Stanislas Nordey disait que Par les villages faisait partie des textes trop grands qui l’impressionnait, malgré une très longue familiarité. Il semble pourtant, comme acteur et comme metteur en scène, en pleine adéquation avec l’exigence de l’écrivain. Il a dû pour une fois légèrement sonoriser les voix, et a fait appel à un créateur de musique, Olivier Mellano. Mais avec ses collaborateurs habituels, Emmanuel Clolus pour la scénographie et Stéphanie Daniel pour les lumières, il reste fidèle à son esthétique et à son éthique. Devant des baraques de chantier d’un bleu turquoise, puis un mur de cimetière ponctué de silhouettes d’arbres, la frontalité, la diction, la gestualité propres à sa théâtralité viennent superbement servir le « poème dramatique ».

— Monique LE ROUX

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'université de Poitiers, critique théâtrale de La Quinzaine littéraire et de En attendant Nadeau

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