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PARADIGME, linguistique

Au sens traditionnel du terme, un paradigme est l'ensemble caractéristique des formes fléchies d'un morphème lexical. Ainsi, dans une langue à cas, le nom, le pronom, l'adjectif prennent, selon le genre, le nombre, la personne qui leur sont propres et les rapports qu'ils ont aux autres éléments de la phrase, des désinences particulières : on dit qu'ils se déclinent. Le paradigme de la première déclinaison latine est l'ensemble des formes casuelles de rosa. De même les verbes, selon la personne, le mode, le temps, la voix et parfois l'aspect, sont affectés de désinences : ils se conjuguent. Le paradigme du présent de l'indicatif actif des verbes latins en -are est l'ensemble des formes amo, amas, amat, amamus, amatis, amant.

Avec la linguistique structurale, le mot prend son sens moderne : L. T. Hjelmslev semble avoir été le premier à remplacer les termes d'associatif, de série ou de famille, de groupe, de groupement associatif qu'on rencontrait chez F. de Saussure par, respectivement, paradigmatique et paradigme. C'est dans les chapitres v et vi de son Cours de linguistique générale que Saussure parlait de groupes de termes liés par « associations d'idées » (« enseigner », « enseignement », « éducation », « jugement » constituent une ou plutôt plusieurs séries de ce type, de même origine). Quelque fondamentale que fût cette notion, elle n'en reposait pas moins sur un critère trop vague pour pouvoir fonder une taxinomie ; aussi les linguistes ont-ils cherché un principe de classement fondé sur le rôle des unités à l'intérieur de la langue, autrement dit à faire dépendre les relations paradigmatiques des relations syntagmatiques. On dira donc que deux unités u et u′ appartiennent à un même paradigme si et seulement si elles sont substituables dans un même syntagme, c'est-à-dire s'il existe deux syntagmes vuw et vuw ; le paradigme de u est alors défini comme l'ensemble des unités qui auraient pu apparaître à sa place. Ainsi « belle » et « perfide » appartiennent au même paradigme, car on peut avoir aussi bien la « belle Marianne » que la « perfide Marianne ». On remarquera l'importance que prend dans cette définition la notion de virtuel, qui ne peut être saisie qu'au travers du réel syntagmatique et linéaire. Dans ses Essais de linguistique générale(1963), R. Jakobson donne une portée très générale au couple qui fonde la double opération du langage, le paradigmatique et le syntagmatique, et les deux mécanismes intellectuels à l'œuvre dans la fonction de parole : sélection et combinaison. La pathologie du langage atteste que, selon les cas, c'est le fonctionnement de l'un ou de l'autre des deux axes qui est privilégié ou affecté ; il existe deux types d'aphasies, l'une qui touche la capacité de constituer des syntagmes, l'autre, la capacité de choisir sur l'axe paradigmatique les unités convenables pour élaborer le discours. Ce qui vient encore à l'appui de cette thèse, c'est l'existence des deux principales figures de la rhétorique, la métaphore (un objet désigné par un autre ayant un rapport de similarité, dans le signifiant ou dans le signifié) et la métonymie (un objet désigné par le nom de quelque chose qui lui est associé dans l'expérience, par simple contiguïté syntagmatique).

Du point de vue de la technique structurale, la notion de paradigme a été bien entendu l'une des plus fécondes : c'est autour de ce concept qu'ont pu se fonder la phonologie (identification des unités de deuxième articulation), la morphologie (inventaire distributionnel des éléments de première articulation) et, dans une mesure moindre mais non négligeable, la lexicologie distributionnaliste. C'est au paradigmatique qu'il convient d'associer[...]

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