PARADIGME, philosophie
Est paradigme ce que l'on montre à titre d'exemple, ce à quoi on se réfère comme à ce qui exemplifie une règle et peut donc servir de modèle. En tant que modèle concret devant guider une activité humaine et lui servir de repère, le paradigme se distingue de l'archétype, qui suggère l'idée d'une priorité ontologique originelle. Comme l'a montré P.-M. Schuhl, ce concept a chez Platon un sens pédagogique et propédeutique : le paradigme est l'objet « facile » sur lequel on s'exerce avant de traiter d'un objet ressemblant au premier, mais plus difficile ; ainsi, qui veut saisir et définir le sophiste, cet être protéen et fuyant, fera bien de se forger une méthode de définition aux dépens d'un être moins remuant, le pêcheur à la ligne ; de même, en politique, l'art du tisserand est un paradigme pour l'art royal du souverain.
La méthode paradigmatique, chez E. Lévinas, se fonde sur la thèse que « les idées ne se séparent jamais de l'exemple qui les suggère » ; elle dégage « les possibilités de signifier à partir d'un objet concret libéré de son histoire » ; cette méthode est solidaire d'une éthique de l'« acceptation » et de l'action comme préalables au connaître : c'est l'acte qui « fait surgir la forme où il reconnaît son modèle jamais entrevu jusqu'alors » (Quatre Leçons talmudiques, Paris, 1968).
L'historien des sciences et épistémologue Thomas Kuhn utilise à son tour le terme de paradigme d'une manière originale pour rendre compte de la manière dont se développent les sciences. Dans son ouvrage sur la Structure des révolutions scientifiques (traduction française, Paris, 1972), il caractérise comme paradigme de la science à une époque donnée un ensemble de convictions qui sont partagées par la communauté scientifique mondiale.
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Écrit par
- Françoise ARMENGAUD : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes
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