PARADIS FISCAUX
Une approche politisée
Ces listes n'ont jamais donné une image exacte de la carte des paradis fiscaux et bancaires, car des considérations politiques et diplomatiques ont influé sur leur établissement et leur évolution. L’OCDE avait ainsi établi en 2000 une liste de trente-cinq territoires pratiquant une « concurrence fiscale dommageable ». D'autres institutions internationales, comme le Forum de stabilité financière (FSF) et le Groupe d’action financière (GAFI), ont également publié leur liste à la même époque. Il est étrange que la Russie n'ait pas été inscrite sur ces listes, quand on connaît la situation déplorable de sa législation fiscale (fraude, corruption…). Aucun État du continent sud-américain – pas plus que ceux des États américains qui sont notoirement des paradis fiscaux et bancaires comme le Colorado ou le Delaware – n'a jamais figuré sur ces listes. La plupart des territoires figurant sur la liste initiale de l’OCDE ont pris des engagements de coopération et de transparence, si bien qu’il n’y avait officiellement plus de territoires « non coopératifs » à la veille du G20 de Londres en avril 2009 ; ce qui avait alors conduit le président français, Nicolas Sarkozy, à conclure : « les paradis fiscaux, c’est terminé ». De son côté, l’Union européenne a dressé en décembre 2017 une « liste noire » de dix-sept pays sommés de changer leur législation fiscale. Aucun pays européen n’y figurait, alors que l’Irlande et les Pays-Bas étaient des paradis fiscaux notoires, et que venait d’éclater le scandale des LuxLeaks, qui avait dévoilé le système d’évasion fiscale du Luxembourg, à la suite de révélations de lanceurs d’alerte. Quant à la liste établie par les autorités françaises des États et territoires non coopératifs (ETNC), nom officiel des paradis fiscaux, elle ne comportait que sept États à la fin de 2018 (Brunei, Nauru, Niue, le Panamá, les îles Marshall, le Guatemala et le Botswana). Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a reconnu qu’il serait souhaitable d’élargir cette liste pour la rendre « plus complète » et « plus pertinente ». Si l’on en croit l’ONG britannique Tax Justice Network, qui établit tous les deux ans un classement rigoureux des territoires sur la base d’un indice d’opacité financière, il existerait en réalité plusieurs dizaines de paradis fiscaux dans le monde, en tête desquels se trouveraient les États-Unis et la Suisse.
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Écrit par
- Jean de MAILLARD : magistrat
- Dominique PLIHON : professeur émérite d'économie, université Sorbonne Paris nord
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