PARASITE (Bong Joon-ho)
En mai 2019, Parasite (Kisaengzhong) est devenu la première palme d’or de l’histoire du cinéma sud-coréen. Dans les mois qui ont suivi, le septième long-métrage de Bong Joon-ho a connu un immense succès, tant dans son pays que dans le reste du monde. En février 2020, il a notamment remporté quatre oscars, dont celui du meilleur film. Ses thématiques, sa facture, en font sans doute une œuvre typiquement sud-coréene. Néanmoins, par sa drôlerie, sa cruauté et sa violence, il trouve un écho bien au-delà des frontières du pays.
Bong Joon-ho est né en 1969 à Daegu. Il a grandi dans les années de dictature militaire, connu les milices, les arrestations arbitraires, les manifestations et les répressions violentes. La géographie secrète des caves, des tunnels tortueux que l’on retrouve dans Parasite, ainsi que dans ses autres œuvres, évoque les prisons clandestines où la police pratiquait la torture à l’abri des regards. Cependant, Bong Joon-ho a aussi connu le développement du « Made in Korea », le difficile chemin vers la démocratie et la liberté d’expression. Son premier film Barking Dog (Plantas uikae, 2000) était une comédie grinçante située dans l’enceinte d’une gigantesque barre d’immeuble. Véritable coup d’éclat, Memories of Murder (Salin ui chu ok, 2003) l’impose comme l’un des meilleurs cinéastes coréens et l’un des plus populaires de son pays. Après deux productions internationales qui mettaient en scène Tilda Swinton, Snowpiercer, le transperceneige (Solguk yeolja, 2013) et Okja (2017), Parasite, adapté d’une bande dessinée, marque son retour à une intrigue qui a Séoul pour cadre.
Ki-woo, sa sœur et ses parents vivent d’expédients, entre petits boulots et arnaques minables. Un jour, un ami de Ki-woo lui propose de le remplacer pour dispenser des cours d’anglais à une jeune fille de bonne famille. C’est ainsi qu’il pénètre dans la vaste demeure bourgeoise des Park. Petit à petit, il va faire embaucher sa sœur comme professeur de dessin, son père comme chauffeur et enfin sa mère comme gouvernante. Virus ou « parasites », ils vont envenimer le quotidien des Park. Jusqu’à ce que tout bascule en une nuit, lorsqu’une pluie diluvienne fait remonter à la surface la misère, les rancœurs et une sauvagerie trop longtemps contenue.
Un monde vertical
Bong Joon-ho retrouve pour la quatrième fois l’acteur Song Kang-ho (le père de Ki-woo) ainsi que Choi Woo-shik (Ki-woo), qu’il venait de diriger dans Okja. Il renoue surtout avec plusieurs thèmes chers à son cinéma, à commencer par la contamination et l’épanchement inexorable de la violence ou du mal. Cette contagion prenait la forme de crimes en série dans Memories of Murder, ou encore celle d’un monstre mutant né de la pollution du fleuve Han dans The Host (Gui Mul, 2006). Parasite, comme ses films précédents, observe la lutte ou l’opposition des classes dans une société strictement hiérarchisée. Dans Snowpiercer, cette idée était symbolisée par un gigantesque train. Située après un cataclysme planétaire, l’action se déroulait entièrement à bord de cette arche de Noé de l’humanité où les sinistres convois de miséreux se traînaient derrière les spacieux wagons des super-riches. Parasite, lui, repose sur la verticalité : le monde des pauvres à l’entresol et celui des riches dans la lumière des hauteurs. Claustrophobique, étouffant, le film est presque entièrement réalisé en intérieurs. Toute en baies vitrées, la maison des Park est ainsi bâtie sur une colline. La mise en scène de Bong Joon-ho insiste sur les escaliers qui la parcourent. Pour monsieur Park, qui ne circule qu’en voiture, l’odeur de la pauvreté s’associe à celle du métro, des entrailles de la ville. Enfin, dans une dernière partie surprenante, Bong Joon-ho dévoilera l’existence d’une classe encore plus pauvre, confinée dans des sous-sols dont même les propriétaires de la maison ignorent[...]
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Écrit par
- Adrien GOMBEAUD : journaliste
Classification
Média