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PARC

L'usage associe les termes de parc et de jardin, et tend à en faire des synonymes. Il existe à Paris un service des « parcs et jardins ». Dans l'urbanisme moderne, un parc est un « espace vert » de grande étendue, enclos et composé selon l'esthétique du paysage. Paris possède de tels parcs : Montsouris, les Buttes-Chaumont, Monceau, qui remontent au temps du « jardin anglais ». En revanche, on parlera du « jardin » du Luxembourg et du « bois » de Boulogne, les espaces verts de dimensions modestes étant appelés « squares », par analogie avec les petits jardins du Londres victorien, où le square (littéralement « carré ») est le centre d'un quartier résidentiel composé, élevé sur un terrain appartenant à un grand propriétaire (tel Bedford Square).

Ces variations de la langue s'expliquent à la fois par la nécessité de distinguer entre des types divers de jardins et par des raisons historiques. Le mot jardin provient d'une racine germanique gard, apparentée à celle qui a fourni le latin hortus (jardin), et qui désignait un espace réservé, un terrain personnel, soustrait à la propriété collective du clan, en des temps de semi-nomadisme. Dans le domaine français, la forme germanique a été adoptée par les dialectes du Nord, les langues méridionales conservant la forme latine (hort), mais la réalité désignée demeurait la même. Le terme s'applique à un enclos de petites dimensions, fermé sur lui-même et cultivé minutieusement, mêlant des plantes utiles (médicinales — les « simples » —, potagères, arbres fruitiers) et des plantes d'agrément (fleurs, arbustes décoratifs, rosiers notamment). Cette notion est déjà attestée en latin classique, avec le mot hortus ou son diminutif hortulus. Un grand parc prend le nom d'horti ou d'hortuli (c'est-à-dire une pluralité de cellules dont chacune était un jardin). La notion de parc proprement dit n'a pas donné lieu, en latin, à un terme spécial.

Il y a une raison à cela : le parc est une forme de propriété étrangère à la société antique d'Occident. L'origine du mot est latine (parricus), mais c'est un terme dialectal et tardif, probablement régional (alpestre ?), dérivé du nom du pieu (parra) emprunté par les langues germaniques (pferch). Il apparaît dans la lex Ripuaria. Il s'appliquait d'abord aux enclos destinés au bétail. Peu à peu, le mot désigna des « réserves » appartenant au roi ou au suzerain local. Ces réserves servent à la chasse et à l'exploitation directe par le seigneur. Elles sont liées à une structure sociale de type féodal. La forêt y domine, avec quelques essarts. Le parc est caractéristique du château, dans la littérature — et la réalité — de toute l'Europe médiévale. Il joua un grand rôle dans la formation des grands jardins français, au xviie siècle, et dans les « jardins anglais » du xviiie provoquant l'ouverture du jardin fermé et sa transformation en un ensemble intégré dans un paysage. Mais la distinction continua d'être faite. Ainsi, à Versailles, le parc, enclos de murs, enferme encore une forêt, dans laquelle sont aménagés des jardins, comme autant de clairières (tapis vert, bosquets divers, jardins du Trianon) cultivées avec minutie et d'extension limitée. De son origine seigneuriale, le parc conserve une idée de grandeur ; le jardin, au contraire, évoque des images plus aimables et plus intimes.

— Pierre GRIMAL

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

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