PARCOURS (J. Habermas) Fiche de lecture
Les deux tomes de Parcours,édités par Christian Bouchindhomme et parus chez Gallimard (2018), réunissent une trentaine de textes du philosophe allemand Jürgen Habermas publiés entre 1971 et 2017, à ce jour inédits en langue française ou devenus inaccessibles. En annexe, une bibliographie complète des livres et articles de Habermas depuis ses premiers écrits datant de 1953 est également fournie. Parcours est le seul ouvrage paru en français qui permette d’avoir une vue d’ensemble sur l’évolution théorique de Habermas, depuis les écrits élaborant une pragmatique langagière (1971) jusqu’à ses essais récents sur le droit international et la religion. Cette démarche originale rappelle le geste même du théoricien critique qui, en 2009, republia ses œuvres principales dans les Philosophische Texte en les accompagnant d’introductions – présentes dans Parcours – expliquant les étapes de son évolution intellectuelle. À noter, Parcours offre une composition unique de textes, choisis spécifiquement pour le lecteur français.
Refonder l’idée de rationalité
Les deux volumes s’ouvrent avec le texte présenté à la conférence de Kyōto (2004), l’un des rares écrits autobiographiques de Habermas. Il expose là son itinéraire intellectuel et les motivations qui l’ont conduit à placer au centre de son œuvre le concept d’agir communicationnel, lequel appréhende les actes de parole visant l’entente comme une action sociale spécifique rendant possible la coordination d’actions futures entre des interlocuteurs. Le rôle de l’agir communicationnel se révèle crucial, à l’époque moderne, pour la formation identitaire, la compréhension de soi et du monde autant que pour la démocratie. Poursuivant ces orientations, les essais de théorie sociale de Parcours présentent deux champs de réflexion majeurs au carrefour desquels se trouve la question de la communication. S’inquiétant de la fragilité de l’espace public, des essais de théorie politique suivent une orientation normative en définissant notamment un concept de souveraineté populaire de type procédural et les conditions d’une transnationalisation de la démocratie, ou encore en s’intéressant aux tensions entre politique et religion dans le débat public. Notant les changements dus à la rationalisation du monde vécu sur les mentalités, des écrits de philosophie théorique – relevant d’une théorie de la rationalité et d’une théorie du langage – découvrent une pensée postmétaphysique à l’œuvre dans les sociétés modernes : ni postmoderne ni métaphysique, consciente de la faillibilité des savoirs, elle prend appui sur des raisons issues de l’argumentation.
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Écrit par
- Isabelle AUBERT : maître de conférences en philosophie, enseignante-chercheuse
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