PARIS (JEUX OLYMPIQUES DE) [1900] Contexte, organisation, bilan
Lors du congrès de la Sorbonne, en juin 1894, Pierre de Coubertin avait souhaité que les premiers jeux Olympiques de l'ère moderne se tiennent à Paris, en 1900. Dimitrios Vikelas le prit de vitesse, proposa un autre lieu – Athènes bien sûr – et d'avancer la date de l'événement à 1896. Il fut écouté et la capitale grecque, malgré des difficultés de tous ordres, releva le défi avec un succès certain. Néanmoins, les congressistes de la Sorbonne décidèrent également que la deuxième édition des jeux Olympiques aurait lieu à Paris en 1900. Entre-temps, forts de leur réussite, les Grecs, par la voix du roi Georges Ier, demandèrent que les jeux Olympiques de l'ère moderne, comme les Jeux de l'Antiquité, se déroulent toujours au même endroit, à Athènes. Coubertin parvint, avec difficulté, à convaincre ses collègues du C.I.O. de ne pas donner suite à cette proposition. Les IIes jeux Olympiques se tiendront donc à Paris, en 1900, comme prévu. En revanche, il n'était pas prévu que Pierre de Coubertin ne fût pas prophète en son pays... Or deux conceptions du sport s'affrontent en France. Le pays demeure marqué par la débâcle de 1870. Certains dirigeants de la IIIe République attribuent la déroute militaire à la mauvaise hygiène physique de la jeunesse française ; les activités physiques – la gymnastique essentiellement – sont mises à l'honneur dans les établissements scolaires, les élèves ainsi formés devant devenir de solides soldats et contribuer à la reconquête de l'Alsace et de la Lorraine. Concernant la défaite de 1870, Coubertin dresse un constat similaire, mais sa conception de la structuration du mouvement sportif se veut à la fois plus élitiste et plus humaniste.
En fait, pour la France, la grande affaire de l'année 1900 est l'Exposition universelle de Paris. Alfred Picard, commissaire général de cette Exposition universelle, a proposé d'organiser dans ce cadre des « concours internationaux d'exercices physiques », ouverts au plus grand nombre, pour promouvoir le caractère scientifique et éducatif de l'activité corporelle ; il a reçu l'appui d'Étienne Jules Marey, professeur au Collège de France, qui dirige une commission d'hygiène et de physiologie, créée par... Picard. Dès novembre 1893, ce dernier avait reçu l'aval du gouvernement pour que ces « concours » soient inclus dans le programme de l'Exposition universelle. Coubertin, totalement opposé à ce projet sur lequel il n'a jamais été consulté, tente de mobiliser ses relations internationales, écrit à plusieurs ministres – en vain. Mais le baron refuse de s'incliner : il crée un comité d'organisation des jeux Olympiques, lequel s'appuie sur l'Union des sociétés françaises des sports athlétiques (U.S.F.S.A.), le vicomte Charles de La Rochefoucauld présidant cet aréopage composé de gens du beau monde. « Paris aura sa fête, le C.I.O. des Jeux pour l'élite », écrit Coubertin. Mais, rapidement, l'U.S.F.S.A. ne reconnaît plus cette assemblée de comtes et de marquis, laquelle se dissout. Picard, de son côté, met sur pied une commission des concours composée de cinq personnes, présidée par Daniel Mérillon, chargé d'en élaborer le programme. Coubertin s'incline, et les « concours » de Picard seront dénommés par le C.I.O. « jeux Olympiques ».
Mais Coubertin n'est pas au bout de ses surprises... Mérillon, peu féru de la chose sportive, propose un programme démentiel et plutôt hétéroclite, dans lequel la compétition de pêche à la ligne côtoie le tournoi de croquet, la course à l'âne, le tir au canon, le cerf-volant et le billard. Pis ! le baron apprend que, dans certains de ces « concours », les professionnels seront admis : il est précisé que les compétitions sont ouvertes à tous les « sportsmen du monde ».[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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