PARIS ROMANTIQUE 1815-1848 (exposition)
Le temps des révolutions
Les années romantiques sont également marquées par l’instabilité politique, illustrée au cœur de l’exposition. Le renversement de Charles X (juillet 1830) amène Louis-Philippe d’Orléans au pouvoir comme « roi des Français ». Avec les désillusions, les troubles reviennent – suscités, par exemple, par la loi contre le droit d’association – comme en témoigne la tragique lithographie de Daumier, Rue Transnonain,le 15 avril 1834 qui immortalise un massacre. Révoltes et débats politiques alimentent une « fièvre caricaturale » (Baudelaire) dont témoignent Philippon, Daumier, Grandville et Traviès. Le thème révolutionnaire, qui inspire à Delacroix l’un de ses chefs-d’œuvre, est également au cœur de deux autres créations majeures de 1830 : Hernani de Victor Hugo et la Symphonie fantastique de Berlioz. La période n’en voit pas moins la construction ou l’achèvement de monuments importants, qui viennent former une sorte de récit national dans l’espace urbain : la chapelle expiatoire voulue par Louis XVIII en mémoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette, puis la colonne de Juillet, l’arc de l’Étoile où triomphe la sculpture romantique, l’obélisque de la Concorde, la Madeleine, le tombeau de l’Empereur aux Invalides.
L’époque voit naître aussi le mythe de l’artiste bohème, pauvre et incompris, et de son pendant, la grisette, jeune ouvrière qui se laisse courtiser par les étudiants du quartier Latin – telle l’inoubliable Mimi des Scènes de la vie de bohème d’Henri Murger. La vie de cette jeunesse tapageuse, ses distractions (les bals publics, le scandaleux cancan, la polka, le carnaval parisien, le bal de l’Opéra), la littérature populaire (Béranger, Paul de Kock, Eugène Sue), le comique des mœurs également, illustré par les lithographies de Gavarni et de Monnier... tout ce pittoresque – avec, en contrepoint, l’amertume du « peuple romantique de Paris » et l’essor du saint-simonisme – compose une section très dense, jalonnée d’œuvres méconnues comme Bal public, 1845, de John James Chalon (musée Carnavalet-Histoire de Paris).
On se rend ensuite à la Chaussée-d’Antin, quartier loti au xviiie siècle, avec ses demeures de banquiers et de grands collectionneurs (Anonyme, La Galerie de peinture de l’hôtel Aguado, vers 1840, musée Carnavalet-Histoire de Paris) et à la Nouvelle Athènes, quartier plus récent, moins coûteux, où vinrent s’installer artistes, acteurs célèbres comme François-Joseph Talma ou Mademoiselle Mars, musiciens et écrivains. En son cœur, le square d’Orléans constituait un phalanstère d’artistes : ateliers d’Ary Scheffer, de Géricault, de Delacroix un moment, demeures de George Sand et de Chopin, de la chanteuse Pauline Viardot, du pianiste Zimmermann, du sculpteur Dantan dont les petits bustes campent avec humour les célébrités de l’époque (Antoine Mathieu, L’Atelier d’Antoine Dantan, dit aîné, vers 1850, Paris, musée des Arts décoratifs).
La section suivante nous conduitsur les Grands Boulevards, artère hétérogène reliant la Madeleine à la Bastille, dont seule la partie formée du boulevard des Italiens et du boulevard Montmartre était appelée le « boulevard ». Lieu de promenade et de distraction, il était bordé de magasins luxueux, de cafés, de restaurants et de glaciers réputés (Maison dorée, Café Riche, Café Hardy…). C’est dans cette zone que se trouvaient les grands théâtres publics : l’Opéra, le Théâtre-Italien, l’Opéra-Comique et, un peu excentré, le Théâtre français. Les théâtres populaires – de l’Ambigu, du Gymnase, des Funambules… – se déployaient à l’est à partir de l’actuel boulevard de Bonne-Nouvelle. Cette dernière section, à travers décors et souvenirs de grandes « vedettes » comme l’actrice Marie Dorval, la cantatrice Cornélie Falcon, l’acteur Mélingue, les danseuses Fanny Elssler et Marie Taglioni, met en lumière[...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
Classification
Média