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PARIS-SOIR

Fondé en 1923 comme feuille du soir à tendance de gauche par Eugène Merle, Paris-Soir eut d'abord une vie difficile : ses tirages ne dépassèrent qu'occasionnellement les 100 000 exemplaires ; en sept ans, il changea cinq fois de commanditaires et de ligne politique.

Jean Prouvost (né en 1885), industriel du textile du Nord intéressé par la presse, avait appris à « faire un journal » avec Paris-Midi qu'il avait acheté en 1924 et dont il avait porté le tirage de 4 000 à 80 000 exemplaires. Le 16 avril 1930, il racheta Paris-Soir qui tirait alors à quelque 60 000 exemplaires : il en fit, en dix ans, le plus grand journal français, dépassant largement Le Petit Parisien. Dès la fin de 1932, Paris-Soir tirait à 500 000 exemplaires, à 1 million en 1934, à 1,7 million en 1939, à 2 millions en 1940. À la veille de la guerre, Jean Prouvost possédait aussi un magazine féminin, Marie-Claire, fondé en 1937, et un hebdomadaire illustré, Match, relancé en 1938. Ces deux publications tiraient chacune à plus de 1 million d'exemplaires et avaient réalisé, dans le monde des périodiques, une révolution comparable à celle de Paris-Soir dans le monde des quotidiens.

Ces succès tenaient à de multiples raisons. D'abord aux qualités d'administrateur et de gestionnaire de Jean Prouvost qui lui-même sut s'entourer de collaborateurs de talent, tels les journalistes Gabriel Perreux, Raymond Manevy, Pierre Lazareff, le photographe Paul Renaudon, ou l'administrateur Paul Gemon. Ensuite aux moyens financiers dont disposait le groupe, grâce aux capitaux familiaux et à ceux des papeteries et sucreries Beghin, à des méthodes de gestion et de promotion modernes en partie inspirées de celles des grandes entreprises de presse anglo-saxonnes, mais aussi à une appréciation exacte des goûts et des besoins de la clientèle. Paris-Soir, fort de son indépendance économique et politique, pratiqua un journalisme nouveau : l'illustration prit une place essentielle dans ce « quotidien d'informations illustrées » dont la mise en pages aérée, aux grands titres, bouleversa les habitudes françaises ; la petite actualité des sports et des faits divers, les chroniques distractives, les pages magazines spécialisées, l'horoscope furent traités avec de nombreux moyens et un certain souci de qualité. La grande actualité fut largement développée par le reportage, dans un style direct qui dramatisait volontiers, mais avec le souci d'éviter les prises de position partisanes susceptibles de déplaire à une partie des lecteurs. Devant les grands problèmes de politique nationale ou internationale, Paris-Soir équilibrait ses reportages et ses commentaires de manière à donner une importance égale aux nouvelles et aux arguments de tous les camps en présence, ce qui était, en France, une nouveauté.

La défaite de juin 1940 entraîna la décadence du groupe des publications Jean Prouvost, alors qu'en plein essor elles étaient en train de renouveler le journalisme français et de transformer les données du marché de la presse française. Match cessa de paraître. Replié en zone sud, Paris-Soir eut des éditions à Lyon, à Marseille et à Toulouse, qui ne disparurent qu'en 1943, alors que Jean Prouvost eût souhaité les saborder en novembre 1942, lors de l'invasion de la zone sud par les Allemands. À Paris, les occupants firent aussi paraître, contre la volonté de Jean Prouvost, une édition de Paris-Soir, indépendante de celle de la zone sud, et qui dura, elle, jusqu'à la Libération.

Jean Prouvost ne retrouva sa place dans la presse française avec Paris-Match qu'en 1949. France-Soir, qui avait repris dès 1944, en partie, la formule et l'équipe de Paris-Soir, ne réussit pas à trouver une aussi vaste audience.

— Pierre ALBERT

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Écrit par

  • : professeur émérite de l'université Panthéon-Assas

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