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PARIS

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L'évolution sociodémographique

Parmi les grandes métropoles mondiales, Paris occupait, en 2015, le vingt-neuvième rang pour le nombre des habitants. Elle n'en fait pas moins partie des villes géantes. L'agglomération (« unité urbaine de Paris » pour l'I.N.S.E.E.) comptait 10 550 350 habitants en 2012 (Paris intra-muros : 2,254 millions). La couronne périurbaine, très fortement liée à l'agglomération par ses flux quotidiens d'actifs, lui donne à peu près un million et demi de personnes supplémentaires. Pour un pays modérément peuplé comme la France, c'est énorme. L'agglomération parisienne a autant d'habitants que les quinze plus grandes agglomérations provinciales françaises réunies, sept fois plus que celles de Lyon ou de Marseille et environ 20 p. 100 de la population urbaine de la France métropolitaine. C'est plutôt une ville à la taille de l'Europe, au premier rang sur le continent, derrière Moscou et Londres, et qui possède autant d'habitants sur ses 2 723 km2 que la Belgique ou le Portugal sur la totalité de leur territoire.

Cette population a une multitude de traits originaux liés aux fonctions de la grande métropole politique, économique et culturelle qu'est Paris. Elle comporte en particulier une proportion de personnes diplômées, qualifiées et aisées nettement plus forte que les métropoles provinciales. Le processus de mondialisation en cours ne fait que renforcer cette caractéristique. En même temps, du fait de la taille de l'agglomération, la population est nettement plus diversifiée que dans n'importe quelle autre grande ville française.

La croissance de l'agglomération parisienne

La taille atteinte aujourd'hui par l'agglomération est évidemment le résultat d'une longue évolution. Ce qui est surprenant, dans le cas de Paris, c'est que la croissance est continue depuis cinq siècles, hormis de brèves périodes de guerre. C'est inhabituel pour les autres grandes villes du monde. Une croissance aussi durable implique la convergence de nombreux facteurs favorables, en particulier de facteurs économiques et politiques. Dans le cas de Paris, capitale de la France depuis plus de mille ans, ces derniers ont joué un rôle clé. Ils n'ont pratiquement pas cessé d'avoir un effet d'entraînement sur les activités économiques et, par voie de conséquence, sur la population.

Il serait pourtant erroné de croire que l'évolution a été régulière. Il y a eu d'amples variations de rythme bien qu'il soit difficile d'en rendre compte, et ce pour deux raisons. D'abord, parce que l'extension de la surface bâtie n'est connue précisément que depuis 1954 ; pour les années antérieures, il faut donc évaluer l'étendue de l'agglomération à partir des documents disponibles. Ensuite, parce que les données sur le nombre d'habitants n'existent vraiment que depuis le milieu du xixe siècle ; les premiers recensements ont été assez imprécis (le premier a été effectué en 1801) ; quant aux dénombrements effectués sous l'Ancien Régime, ils fournissent tout au plus des ordres de grandeur.

La croissance démographique

L'évolution de la population ne peut donc être retracée qu'avec une certaine approximation. La ville a commencé à se développer de façon plus ou moins continue à partir du début des Temps modernes, une fois passées les graves crises démographiques de la fin du Moyen Âge. La croissance a été lente mais à peu près constante du xvie au xviiie siècle. L'agglomération aurait compté 250 000 habitants en 1530, 430 000 en 1650 et 620 000 à la veille de la Révolution. Pendant cette période, la croissance a toujours été un peu plus élevée à Paris que dans l'ensemble de la France, car la ville a été favorisée par un flux continu de provinciaux. La dimension de l'organisme urbain restait néanmoins raisonnable. En 1789, l'agglomération concentrait un peu plus de 2 p. 100 de la population française, ce qui n'était pas disproportionné pour une capitale.

C'est au cours du xixe siècle que le rythme de la croissance a changé, en même temps que la place de Paris au sein du système urbain français. La concentration extrême du pouvoir politique dans la capitale a attiré toutes sortes d'activités recherchant la proximité de ce dernier et a donné une forte impulsion aux activités industrielles et tertiaires, surtout à partir du second Empire. Paris devient alors, peu à peu, une hypercapitale concentrant une part considérable des activités politiques, économiques et culturelles du pays. Dans ces conditions, la population augmente vite : elle double entre 1801 et 1851 et double de nouveau entre 1851 et 1876. L'agglomération atteint ainsi 1,4 million d'habitants au milieu du xixe siècle et 3,7 millions à la fin du siècle ; elle concentre alors près de 10 p. 100 de la population du pays. L'écart entre Paris et les villes de province s'accroît vite : en 1789, la capitale avait quatre fois plus d'habitants que la deuxième ville du pays ; en 1900, elle en a huit fois plus.

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Loin de cesser, la croissance s'est poursuivie à un rythme rapide dans la première moitié du xxe siècle, car Paris conserve une position fortement dominante pour presque toutes les fonctions. La population s'élève à 4,8 millions d'habitants en 1920, à 6,5 millions en 1954 et à 8,2 millions en 1968 ; elle représente alors près de 17 p. 100 de la population de la métropole. La croissance démographique excède largement 100 000 personnes par an dans les années 1950-1960. Une telle concentration est exceptionnelle dans les pays développés comparables à la France. Il n'existe rien de tel en Allemagne, en Italie, en Espagne ni même dans le Royaume-Uni en dépit de l'importance considérable de Londres.

La décélération intervient néanmoins à partir des années 1960. C'est d'abord un effet de la taille atteinte : dans toutes les grandes métropoles, à un moment donné, le gigantisme finit par avoir des effets négatifs qui provoquent peu à peu un freinage. Le phénomène est lié aussi, de façon indéniable, aux mesures prises pour juguler la croissance parisienne afin de vivifier la province. Ces mesures ont accéléré la désindustrialisation et réduit le dynamisme des activités tertiaires. Ces divers facteurs ont combiné leurs effets pour diminuer la vitesse de la croissance. L'augmentation annuelle de la population est réduite de moitié ou plus au cours des années 1970 : elle ne dépasse plus guère 50 000 personnes par an. Depuis 1999, il semble qu'il y ait une légère reprise de la croissance démographique. Il convient toutefois d'être circonspect sur ce point. Le recensement de 1999 a certainement sous-évalué la population de l'agglomération ; ce biais peut ainsi donner l'illusion que la période suivante (1999-2007) est plus dynamique. Dans l'attente d'une confirmation, il est prudent de considérer une période plus longue, celle couvrant les années 1990-2007, qui fait apparaître une croissance modérée de 42 000 personnes par an en moyenne, à peu près de même ampleur que dans les années 1980.

L'étalement de l'agglomération

L'extension spatiale de l'agglomération a été plus rapide encore que sa croissance démographique, particulièrement depuis le début du xixe siècle. Alors que la population a été multipliée par dix depuis 1830, la surface occupée a été à peu près multipliée par vingt-cinq. Pendant les années 1960, l'extension se faisait encore au rythme de 60 km2 par an. Pendant les années 1980, en raison de la réduction de la croissance démographique et des difficultés économiques, elle est tombée à 30 km2 par an, ce qui reste tout de même considérable.

L'extension progressive de Paris au cours des derniers siècles est assez bien connue grâce aux plans successifs qui ont été conservés. Pendant le Moyen Âge et les Temps modernes, la ville s'est étendue lentement et a gardé une forme plus ou moins circulaire. Elle a en effet été contenue, dans une large mesure, par une série de murs, depuis l'enceinte de Philippe Auguste, au xiiie siècle, jusqu'au mur des Fermiers généraux, au xviiie siècle. Au-delà des portes, il y avait néanmoins des faubourgs qui s'étendaient le long des routes.

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Au cours du xixe siècle, la croissance spatiale devient beaucoup plus rapide et plus désordonnée. Les faubourgs s'étendent très vite et les villages voisins grossissent rapidement. En 1860, les limites de la ville sont repoussées jusqu'aux fortifications de Thiers et elles ont, depuis lors, été conservées sans changement. Avec la construction des chemins de fer, la croissance a vite pris un aspect tentaculaire ; les diverses lignes construites ont beaucoup contribué au développement de la banlieue, particulièrement dans les vallées. Dans la seconde moitié du xxe siècle, les autoroutes et le R.E.R. ont donné un nouvel élan à l'étalement de l'agglomération, surtout vers l'ouest et le sud. Celle-ci s'étend alors jusqu'à quarante ou cinquante kilomètres du centre. C'est avant tout le développement de l'automobile qui a permis de combler les vides entre les diverses radiales routières ou ferrées, en particulier sur les plateaux.

L'espace occupé par l'agglomération s'est ainsi beaucoup accru au cours des xixe et xxe siècles. En 1800, la ville n'avait pas plus de 40 km2. En 1900, elle en avait 450 environ, soit près de onze fois plus. L'agglomération passe ensuite à 1 300 km2 en 1954 et à 2 723 km2 en 1999, soit près de six fois plus qu'au début du siècle. Quant à l'aire urbaine, à la même date, elle dépasse 10 000 km2.

La densité de la population est évidemment très variable d'un lieu à un autre. Elle est élevée dans la partie centrale, à l'exception du centre des affaires et du centre politique, tandis qu'elle est de plus en plus faible à la périphérie. La configuration, grossièrement concentrique, est similaire à celle observée dans toutes les grandes villes du monde. Ce qui distingue, en revanche, l'agglomération parisienne de la plupart des métropoles de pays développés, c'est la forte densité du noyau central. Dans la ville de Paris proprement dite, sans les bois de Boulogne et de Vincennes, la densité moyenne approche les 250 habitants par hectare, soit près de deux fois celle qui est observée dans le centre de Londres sur une superficie comparable. Dans certains quartiers, elle atteint même 500 hab./ha, en particulier sur la colline de Montmartre. Dans la banlieue, les variations sont fortes : la densité est encore de 100 à 200 hab./ha dans les communes qui jouxtent Paris, mais elle peut tomber au-dessous de 10 à la périphérie de l'agglomération. Il y a bien sûr des variations selon le type d'habitat et le niveau social. Les densités les plus faibles sont observées dans les communes riches où prédominent les maisons individuelles, notamment dans la banlieue ouest.

La population parisienne

La population de l'agglomération parisienne ne cesse d'évoluer, comme celle de toutes les villes, par le jeu de deux processus : d'une part, celui des naissances et des décès, d'autre part, celui des arrivées et des départs.

Au cours des périodes intercensitaires 1982-1990 et 1990-2007, c'est le bilan naturel qui a fait augmenter la population : l'excédent a été de 80 000 personnes par an en moyenne. Quant au bilan migratoire, il a été négatif, le déficit ayant été de 35 000 personnes par an en moyenne. Une telle situation n'existe en vérité que depuis les années 1970 et elle est largement imputable à la politique d'aménagement du territoire mise en place pour freiner l'expansion parisienne. Dans le passé, c'est très largement par le jeu de la dynamique migratoire que la population a évolué, spécialement au cours de la période de forte croissance observée pendant le xixe siècle et la première moitié du xxe.

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En dépit du changement qui s'est produit récemment, les migrations continuent de jouer un rôle important dans la formation et la composition de la population. Il y a d'abord des mouvements internes d'assez grande ampleur ayant pour résultat de faire diminuer la population dans le noyau central et de la faire augmenter dans la couronne périphérique. Il y a aussi des échanges massifs avec l'extérieur que le simple bilan migratoire ne traduit pas car plusieurs centaines de milliers d'arrivées et de départs sont observés chaque année. La population de l'agglomération est constamment renouvelée par ces mouvements externes. Ceux qui arrivent sont le plus souvent jeunes et à la recherche d'un emploi : leur moyenne d'âge est de vingt-quatre ans. Ceux qui partent sont plus divers : ils comprennent en particulier des adultes ayant passé un certain nombre d'années dans l'agglomération et des personnes prenant leur retraite.

Les origines de la population

Il n'est pas surprenant dans ces conditions que la population soit pour une large part venue d'ailleurs. L'attraction de la capitale est très ancienne et elle n'a jamais cessé de s'exercer. Le fait était déjà commun au xixe siècle, au cours duquel de nombreux provinciaux, hommes et femmes, « montaient » à Paris. Il l'est plus encore aujourd'hui. Seul un habitant sur quatre est né dans la capitale proprement dite ; pas plus d'un sur vingt a des parents qui y sont nés aussi. Ceux qui ont une longue ascendance parisienne, étalée sur plusieurs générations, sont rarissimes.

Plusieurs groupes doivent être distingués parmi les migrants :

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1. Ceux qui sont d'origine provinciale sont les plus nombreux. Au total, on en compte plus de 15 millions. Dans la seule ville de Paris, c'est le cas pour un tiers des habitants ; en banlieue, c'est le cas pour près de la moitié. Au début du xixe siècle, ils arrivaient surtout de provinces voisines, notamment de Normandie et de Picardie. Les originaires de l'Ouest et du Massif central, en particulier les Bretons, les Limousins et les Auvergnats, sont venus un peu plus tard. Aujourd'hui, ce sont toujours les mêmes régions qui fournissent la plus grande part des migrants, mais il y a eu un élargissement progressif du recrutement à l'ensemble du territoire métropolitain. Toutes les régions, en fait, contribuent maintenant au renouvellement de la population parisienne. Les spécialisations du passé ont pratiquement disparu mais il en subsiste quelques traces. Les propriétaires de cafés, par exemple, restent en majorité originaires de l'Aveyron. Les postiers viennent encore souvent des départements du Sud-Ouest.

2. Les Français qui ne sont pas nés en France métropolitaine sont eux-mêmes composés de plusieurs groupes bien distincts.

Les natifs des D.O.M.-T.O.M. sont environ 200 000. Ils sont venus essentiellement de Martinique, de Guadeloupe et de la Réunion dans les années 1960-1970. Les flux migratoires en provenance de ces départements ont beaucoup diminué depuis le début des années 1980. Leur situation est quelque peu ambiguë. Étant français et souvent peu diplômés, ils ont largement pénétré le secteur public, spécialement la Poste, les hôpitaux et la police, le plus souvent à des niveaux subordonnés. Étant noirs, ils souffrent souvent de la discrimination raciale et sont, de ce fait, concentrés pour la plupart dans les grands ensembles, mélangés aux Africains avec lesquels ils sont fréquemment confondus.

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Les étrangers naturalisés étaient au nombre de 911 000 dans l'agglomération parisienne en 2007. C'est encore un groupe hétérogène car formé de personnes d'origines très diverses – italienne, portugaise, espagnole, algérienne, marocaine, vietnamienne ou autre – et relativement âgées. Il est concentré, lui aussi, dans les quartiers populaires.

3. Les étrangers sont très nombreux dans l'agglomération parisienne : on en comptait environ 1,36 million en 2007, soit près de 13 p. 100 de la population totale, étant entendu que le chiffre réel est un peu plus élevé. Le nombre des étrangers continue d'augmenter, mais à un rythme nettement ralenti désormais en raison des difficultés économiques et des mesures prises pour freiner l'immigration. Il est toutefois difficile de contenir la pression migratoire. Le solde net est de plusieurs dizaines de milliers de personnes par an. L'agglomération parisienne est la principale porte d'entrée des étrangers qui souhaitent tenter leur chance en France.

Cette population étrangère est largement mélangée à la population française. Sa distribution spatiale est en effet liée avant tout au niveau social. C'est dans la mesure où la plupart des étrangers appartiennent aux couches populaires qu'ils sont plutôt concentrés dans les quartiers défavorisés et non en raison de leur origine. Ainsi, dans le département de Seine-Saint-Denis, composé largement de communes populaires, la proportion des étrangers s'élève à 21 p. 100. Dans certains quartiers défavorisés de Paris, comme la Goutte d'Or (XVIIIe arrondissement), et dans certaines communes ouvrières de la banlieue, comme Aubervilliers et Saint-Denis, elle atteint ou même dépasse 30 p. 100.

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La population étrangère est extrêmement variée car elle est constituée de nombreuses nationalités ayant chacune son histoire et ses traits particuliers. En simplifiant beaucoup, on peut distinguer quatre groupes principaux :

– Le plus important est composé d'immigrants venant des pays en développement. C'est aussi le plus visible. Il est formé de 380 000 Maghrébins (dont 185 000 Algériens et 137 000 Marocains), de 272 000 Africains noirs (surtout Maliens et Sénégalais), de 50 000 Turcs et enfin de personnes originaires d'Asie de l'Est, du Sud-Est et du Sud (Vietnamiens, Cambodgiens et, plus récemment, Chinois et Sri-Lankais). Ces immigrants n'ont pas les mêmes caractéristiques, mais ils ont en commun d'être plutôt en bas de l'échelle sociale, de résider dans les quartiers désavantagés et d'avoir des difficultés d'intégration.

– Le deuxième groupe est formé d'immigrants originaires de l'Europe méditerranéenne. Il se compose de plus de 270 000 personnes dont 200 000 Portugais, le reste étant formé d'Espagnols, d'Italiens et de Serbes. Il est très diversifié aussi mais constitué de personnes plutôt bien intégrées dans la population.

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– Le troisième groupe, assez varié, est formé d'immigrants provenant de plusieurs pays d'Europe de l'Est. Apparu au cours des années 1990, il n'est pas encore considérable (quelques dizaines de milliers de personnes) mais il tend à augmenter chaque année. Il vient en particulier grossir une communauté polonaise installée depuis longtemps.

– Le dernier groupe, très différent, a un effectif d'environ 100 000 personnes : il est formé de migrants originaires de pays riches ou relativement riches (Britanniques, Allemands, Belges, Américains), plutôt placés aux niveaux moyens et élevés de l'échelle sociale et habitant, de ce fait, les quartiers favorisés.

Les caractéristiques démographiques

Dans toutes les grandes métropoles, la population présente des traits démographiques particuliers en dépit de la grande diversité d'origine de ses habitants. L'agglomération parisienne ne fait pas exception. Elle se distingue bien du reste du pays.

Parmi ses caractéristiques, il faut d'abord citer la petite taille des foyers : 2,35 personnes en moyenne dans l'agglomération, seulement 1,9 à Paris. Ce sont des chiffres plus faibles que ceux observés dans les autres grandes cités européennes et qui s'apparentent seulement à ceux de Copenhague et de Stockholm. Ils sont liés à la faiblesse de la fécondité et au caractère très lâche des structures familiales. La proportion de personnes seules est exceptionnellement forte : c'est le cas d'un foyer sur trois en banlieue et d'un sur deux à Paris.

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La fécondité n'est pas aussi faible qu'on pourrait le supposer compte tenu de la population : près de 2 enfants par femme dans l'agglomération contre 1,94 dans l'ensemble de la France métropolitaine. Le fait est dû surtout à la présence des familles immigrées venant des pays pauvres ; elle est ainsi de 2,42 en Seine-Saint-Denis. Elle n'est très faible qu'à Paris même (1,62). Quant à l'espérance de vie moyenne (quatre-vingt-deux ans en 2007), elle est un peu plus élevée que dans l'ensemble de la France métropolitaine, avec cependant certaines variations : légèrement plus faible dans les banlieues populaires, elle est, à Paris même, particulièrement remarquable (quatre-vingt-deux ans, six mois), en raison de la grande qualité du système de soins et du niveau d'instruction élevé de la population.

Comme dans toutes les métropoles des pays développés, la population est relativement âgée mais elle l'est un peu moins que dans les grandes villes allemandes, anglaises ou italiennes en raison de l'arrivée massive de jeunes adultes et du départ, également massif, de personnes âgées. L'âge moyen de la population est de près de trente-sept ans dans l'agglomération. Les traits les plus remarquables de la pyramide des âges sont liés aux migrations : c'est en particulier la très nette surreprésentation des jeunes adultes qui viennent à Paris pour étudier ou trouver un emploi ainsi que la forte proportion de femmes. On compte en effet 93 hommes pour 100 femmes dans l'agglomération et seulement 89 dans la ville de Paris.

La différenciation sociale dans l'agglomération parisienne

La structure sociale

Il convient enfin d'analyser un dernier aspect de la population : sa composition sociale. Ici encore, l'agglomération parisienne se distingue nettement des autres grandes villes françaises. L'analyse des groupes socioprofessionnels montre que les cadres ou les personnes exerçant un métier intellectuel de niveau élevé y sont beaucoup plus nombreux qu'ailleurs. En revanche, les ouvriers occupent une place nettement plus réduite.

L'agglomération se distingue surtout par la forte représentation des personnes situées au sommet de l'échelle sociale, ayant un diplôme universitaire, une haute qualification professionnelle et des revenus substantiels. Elle concentre ainsi 32 p. 100 des cadres et professions intellectuelles supérieures, 39 p. 100 des chercheurs et 75 p. 100 des personnalités figurant dans le Who's Who in France. L'agglomération ne compte pas moins de 1 336 000 cadres et professions intellectuelles supérieures en 2007, ce qui est considérable (28,5 p. 100 de la population active). Ce phénomène est évidemment lié à la concentration des fonctions de direction, de gestion, de conception et à l'importance des fonctions culturelles. La proportion d'adultes titulaires d'un diplôme supérieur de 2e ou 3e cycle est très forte : 23 p. 100 dans l'agglomération, 40 p. 100 à Paris, chiffres nettement plus élevés que dans les autres métropoles d'Europe. Les salaires y sont d'un tiers plus élevés que ceux de l'ensemble de la France et le revenu moyen des ménages, de 22 p. 100 supérieur. L'agglomération paie 40 p. 100 de l'impôt sur le revenu levé en France et 43 p. 100 de l'impôt sur la fortune car Paris est le lieu d'élection des familles riches.

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D'un autre côté, l'agglomération n'a pas échappé au chômage même si elle a longtemps été relativement épargnée par rapport à d'autres grandes villes. Un actif sur neuf est sans emploi et une proportion similaire vit d'emplois précaires mal rétribués, spécialement dans les banlieues ouvrières. Pis, l'agglomération concentre une partie importante des exclus n'ayant même plus assez de ressources pour payer un petit loyer, car elle leur offre malgré tout plus de possibilités que les villes de province grâce aux associations caritatives et aux aides dispensées. Plusieurs dizaines de milliers de « sans-domicile fixe » vivent ou survivent dans l'agglomération, dont beaucoup à Paris même.

Ainsi la capitale française offre un éventail social très ouvert, allant des couches les plus fortunées de la population aux plus démunies.

L'évolution de cet éventail social à partir des années 1960 a été considérable, quoique difficile à suivre en raison du changement de la nomenclature socioprofessionnelle en 1982. Il ne fait pourtant aucun doute qu'elle a été plus rapide et plus ample dans l'agglomération parisienne que dans les autres grandes villes en raison de l'évolution très marquée de l'appareil productif. Les deux groupes qui ont le plus changé sont les ouvriers, dont le nombre a nettement diminué, et les cadres et les professions intellectuelles supérieures, dont le nombre a fortement augmenté. Pour caractériser cette évolution, on a souvent utilisé le terme embourgeoisement bien qu'il soit inadéquat puisque le groupe en expansion est composé essentiellement de salariés ayant réussi grâce à leurs diplômes et à leurs compétences professionnelles. Le terme d'élitisation conviendrait mieux pour définir ce phénomène sans être tout à fait approprié non plus. L'évolution s'est traduite en tout cas par un très net mouvement d'ascension sociale pour une partie de la population. Ce mouvement a particulièrement touché Paris, ce qui a augmenté encore sa différence avec la banlieue ; depuis le milieu des années 1990, la flambée des prix de l'immobilier parisien y a contribué. Les arrondissements centraux ont été les plus concernés, et tout spécialement le Marais, le Quartier latin et le quartier Saint-Germain. Les arrondissements périphériques du Sud et de l'Ouest et certaines parties de la banlieue ont connu une évolution similaire mais moins accentuée, spécialement dans la banlieue sud, là où se sont développés des centres de recherche et des industries de haute technologie (Orsay, Massy, Vélizy-Villacoublay). Ce n'est pas seulement la composition sociale de la population qui a été modifiée dans tous ces secteurs « embourgeoisés » ; c'est aussi la taille et le coût du logement, la qualité et la diversité des services offerts, enfin la couleur politique ; à Paris, durant les deux dernières décennies du xxe siècle, le vote a glissé vers la droite lors des élections législatives et présidentielles ; dans la proche banlieue, ce glissement a fait disparaître l'ancienne « ceinture rouge », qui fut longtemps un des traits majeurs du paysage politique de l'agglomération.

Beaux quartiers et quartiers sensibles

Alors que les disparités sociales avaient eu tendance à diminuer pendant les années de plein emploi, les Trente Glorieuses, elles ont augmenté depuis que l'économie est entrée dans une période de croissance lente. Les processus ségrégatifs ont agi plus fortement. Sans doute le terme ségrégation est-il employé abusivement pour désigner la relégation des fractions pauvres de la population dans les quartiers défavorisés, mais il ne fait aucun doute qu'il y a, depuis le début des années 1980, une concentration spatiale accrue des groupes situés au bas de la pyramide sociale.

De nombreuses études ont permis de préciser la géographie sociale de l'agglomération à partir des données sur les catégories socioprofessionnelles. L'espace social présente une configuration grossièrement sectorielle, commune à nombre de grandes villes. Ici, les classes favorisées occupent un quadrant partant du centre et allant vers l'ouest-sud-ouest, en direction de Versailles et de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). Les classes populaires occupent plutôt le quadrant opposé, partant du nord-est de Paris et couvrant surtout la banlieue en direction de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle (Val-d'Oise). Les autres secteurs sont occupés en majorité par les classes moyennes, mais avec une grande diversité quant à la composition sociale et à la physionomie de l'habitat. Cette géographie sociale trouve ses origines dans le Paris du xviiie siècle qui s'est différencié peu à peu selon un gradient est-ouest.

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Les oppositions les plus fortes se font aujourd'hui entre les beaux quartiers parisiens et les quartiers « sensibles » de la banlieue.

Les beaux quartiers désignent communément la partie de Paris où résidait la bourgeoisie au xixe siècle, c'est-à-dire les VIIe, VIIIe et XVIe arrondissements ainsi que la partie contiguë des VIe et XVIIe. Par excellence, c'était le « seizième », le long des belles avenues ou dans les « villas ». L'habitat est mélangé mais il est largement constitué d'immeubles cossus offrant des appartements spacieux dont l'acquisition est toujours très onéreuse. Ce n'est plus la bourgeoisie traditionnelle qui habite ces quartiers ; industriels et négociants aisés sont aujourd'hui minoritaires. Ce sont avant tout des cadres, des professions libérales et des intellectuels à revenus élevés.

Les quartiers sensibles ou quartiers en difficulté de la banlieue contrastent vigoureusement avec les quartiers huppés de Paris. Ils sont constitués essentiellement de grands ensembles d'immeubles collectifs datant surtout des années 1965-1975, situés dans la banlieue nord (Saint-Denis, La Courneuve, Aubervilliers...) et dans la vallée de la Seine, en amont et en aval de Paris (Corbeil-Essonnes, Mantes-la-Jolie...). Les logements ne sont pas spécialement petits mais ils sont souvent surpeuplés. Les immeubles, pour l'essentiel des habitations à loyer modéré (H.L.M.), sont de médiocre qualité et leur entretien a été souvent négligé. Les habitants sont pour la plupart ouvriers et employés, et la proportion d'étrangers est forte. Ces quartiers sont souvent mal insérés dans le tissu urbain. L'intensification de la crise a entraîné un processus de paupérisation qui a développé la délinquance et l'insécurité, ce qui a encore aggravé le phénomène de marginalisation.

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Une telle évolution, au demeurant, n'est pas propre à Paris. Elle a été observée, à des degrés variables, dans toutes les grandes cités du monde occidental car elle est liée à l'évolution économique générale. Il convient aussi de mentionner que les différences sociales au sein de l'agglomération parisienne, du fait de l'histoire particulière de la France, sont plutôt moins accusées que dans beaucoup d'autres pays ; elles sont, en tout état de cause, nettement moins fortes qu'à Londres, New York ou Los Angeles.

— Daniel NOIN

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Écrit par

  • : inspecteur général des Archives de France
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, secrétaire de la IVe section
  • : directeur délégué de la chaire Ville à Sciences Po, Paris
  • : professeur émérite à l'université de Paris-I
  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de la section prospective et planification du conseil économique et social de la Région Île-de-France
  • : professeur, université de Picardie Jules-Verne
  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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    Les premiers développements bien documentés du maraîchage autour deParis remontent au xiie siècle, c’est-à-dire à l’époque des constructions de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de la basilique de Saint-Denis. Les « jardins maraîchers » trouvent l’origine de leur dénomination dans la...
  • ALPHAND ADOLPHE (1817-1891)

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    Né en 1817 à Grenoble, d'un père colonel d'artillerie, Adolphe Alphand entre à l'École polytechnique en 1835, puis à l'École des ponts et chaussées en 1837. Après s'être vu confier des missions dans l'Isère et la Charente-Inférieure, il est envoyé en 1839 à Bordeaux comme...
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