PARLEMENT EUROPÉEN
Trois défis contemporains
Au début du xxie siècle, après une période de montée en puissance remarquable par sa rapidité et son ampleur, le Parlement européen est confronté à trois types de défis. Le premier est relatif à sa composition. Les élargissements prévus par l’UE, notamment en direction des Balkans, vont aboutir à une modification de la taille des délégations nationales au sein de l’assemblée. L’expérience des précédents élargissements montre que le Parlement européen parvient très efficacement à intégrer de nouveaux membres, notamment grâce à leur participation aux groupes parlementaires existants. Il joue ainsi un rôle de ferment de socialisation pour les élites politiques des nouveaux États membres. En outre, la révision de la taille des délégations pourrait être l’occasion d’une harmonisation des lois électorales des différents États membres, ce qui est loin d’être assuré. Une telle réforme serait en effet délicate à mettre en œuvre, en raison des préférences et des intérêts divergents des gouvernements en la matière. Signalons d’ailleurs que certains acteurs ont proposé la mise en place d’une circonscription commune à tous les États membres, dotée d’un nombre limité de sièges supplémentaires, et dans laquelle pourraient s’affronter des listes transnationales.
Second défi, le Parlement européen pourrait se voir attribuer des prérogatives analogues à celles dont disposent les parlements nationaux, en particulier du pouvoir d’initiative en matière législative (la Commission en ayant le monopole formel), d’un plein pouvoir de co-législateur dans tous les domaines (le Conseil de l’UE décidant parfois seul) et de pouvoirs d’enquêtes plus poussés (droit de déférer des témoins ou de consulter tout document, par exemple). Ces aboutissements, sans être négligeables, ne changeraient sans doute pas fondamentalement le statut du Parlement européen au sein de la gouvernance européenne. En revanche, la question du choix du président de la Commission est plus controversée. En 2014, l’assemblée de Strasbourg a réussi à imposer à la présidence de la Commission la personne désignée par la liste arrivée en tête lors des élections européennes, à savoir le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker – position désignée par l’appellation allemande Spitzenkandidat. En 2019, confrontée à l’hostilité de certains États – dont la France –, elle ne parvint pas à réitérer ce premier succès. Compte tenu de la préservation et, à bien des égards, de l’accroissement du poids des États membres dans la gouvernance européenne, il est fort douteux que ceux-ci acceptent une disposition qui permettrait au Parlement de leur imposer une personnalité qui ne fasse pas consensus parmi eux. Enfin, une normalisation complète du Parlement européen pose la question d’une localisation géographique unique, alors qu’il se partage actuellement entre Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg (pour son secrétariat général). Hors de France, l’éloignement strasbourgeois est fréquemment critiqué pour le coût financier, organisationnel et désormais environnemental des déménagements mensuels des eurodéputés. Les traités européens sécurisent la position de la France – qui tient au siège strasbourgeois du Parlement –, mais force est de constater que son isolement politique sur ce point s’accroît.
Le troisième défi auquel est confronté le Parlement européen est l’érosion progressive de la culture du compromis en son sein. Cette érosion est la conséquence de la diminution du nombre d’eurodéputés appartenant aux deux principaux groupes politiques de l’assemblée – les socio-démocrates et les démocrates-chrétiens –, ce qui peut les inciter à chercher des alliances sur leur versant radical plutôt qu’au centre. En outre, la lente progression électorale des organisations de la droite radicale européenne peut être interprétée[...]
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Écrit par
- Olivier ROZENBERG : professeur associé, Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po, Paris
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