PARNASSE, mouvement littéraire
Le Parnasse est un groupement de poètes qui se constitue vers le milieu du xixe siècle autour de Leconte de Lisle. Hostile aux effusions individuelles comme aux engagements politiques, il prétend nourrir la poésie des sciences de la nature, de l'histoire et de la philosophie, pour dégager le pathétique de la vie universelle et des émotions collectives de l'humanité. Soumis à une sévère discipline de la forme et indifférent au suffrage de la foule, l'artiste trouve sa récompense dans la contemplation du beau.
Leconte de Lisle
Après 1850, le romantisme vient d'échouer avec Lamartine, que suivra Hugo, dans la conquête du pouvoir. En réaction contre lui, la bourgeoisie a suscité un art qui se réclame du « bon sens », rase la prose et moralise. Émile Augier, François Ponsard, Joseph Autra sont les têtes de file de cette école qui garde sa faveur sous le Second Empire. La génération littéraire de 1820, avec Flaubert, Baudelaire et Leconte de Lisle, s'élève contre le romantisme, taxé d'impuissance, et l'école du « bon sens », taxée de médiocrité. Cependant, plus d'un lien rattache le Parnasse au romantisme : Leconte de Lisle est fortement marqué par Lamartine et par Vigny. L'énergie passionnelle, l'interprétation symbolique de la nature, le goût de la couleur et de l'exotisme, la liberté dans la fantaisie passent du romantisme au Parnasse, et Leconte de Lisle estime Théophile Gautier.
Charles-René-Marie Leconte de Lisle (1818-1894), né à la Réunion, vient, à dix-huit ans, poursuivre ses études en France, à Rennes ; il applaudit à Chatterton et rime les élégies dans le goût lamartinien. De 1845 à 1848, il fréquente à Paris les phalanstériens (il collabore à La Phalange et à La Démocratie pacifique), espère tout de la révolution de 1848, dont l'échec l'accable ; il ne pardonnera ni à la bourgeoisie sa victoire, ni au peuple d'accepter sa défaite.
Son pessimisme s'alimente à deux sources, passionnelle et politique. Nul ne fut moins impassible que ce grand tourmenté d'amour. L'image d'une vierge approchée à la Réunion, et que la mort a dérobée, s'associera pour lui à l'île natale et à la caresse maternelle (« Le Manchy », « L'Illusion suprême »). Il a aimé à Paris une femme mariée et leur rupture lui dictera « Les Damnés » (1855), « Le Dernier Souvenir » (1868). Ayant laissé sans réponse l'amour d'une jeune fille qui pour lui renonça au monde (« Les Spectres », 1866), il aima jusque dans sa vieillesse d'un amour impartagé (« Le Dernier Dieu », 1886). Contre les exigences de cette sensibilité torturée, il loue l'impassibilité dont les parnassiens se font un masque, souvent mal ajusté au visage. Le désengagement politique est un autre masque. Leconte de Lisle garde la nostalgie secrète de 1848, il écoute « l'appel désespéré des nations en croix et des justes râlant sur le fumier des villes » (« Tristesse du diable »).
Pour oublier sa tristesse, il se réfugie d'abord dans une Grèce de convention, d'une blancheur de statue, et qui emplira la plus grande partie des Poèmes antiques de 1852 : poèmes savants et froids, ils constituent la fraction la plus artificielle de son œuvre. Après 1870, Leconte de Lisle évoque dans les Erinnyes, tragédie créée en 1873, une Grèce archaïque, belliqueuse et farouche, écrasée par le destin, avant de revenir à des teintes plus claires dans l'Apollonide (1888). Il se plonge aussi dans l'Inde antique foisonnante de vie et de mysticité : la beauté de ces pages ne désarmera pas le persiflage d'Alphonse Daudet.
Le poète se réfugie surtout dans l'histoire, et, par elle, tente de concilier la retraite imposée au républicain d'hier et sa nostalgie des actes héroïques ; dans les Poèmes antiques[...]
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Écrit par
- Pierre FLOTTES : correspondant de l'Institut, professeur honoraire de l'université de Bordeaux
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