PAROS
Le marbre de Paros
Bien que rien jusqu'ici ne le prouve, il est probable que le travail du marbre a dû commencer à Paros au même moment qu'à Naxos, l'île voisine et rivale, dans la seconde moitié du viie siècle ; mais les plus anciennes sculptures connues à ce jour ne datent que de 580-570. Peut-être les difficultés d'extraction du meilleur filon (le célèbre lychnitès, dont la couche peu épaisse s'enfonce dans les profondeurs de la montagne, près de Marathi) en ont-elles bridé d'abord l'exploitation : on ne connaît aucune statue colossale en marbre de Paros et les petits formats semblent avoir été d'abord préférés. La finesse et la densité de ce marbre ont incité les ateliers pariens à développer un style marqué par la virtuosité des détails et la subtilité du modelé, qui leur a permis de supplanter les ateliers naxiens, comme le montrent les offrandes faites dans deux sanctuaires d'Apollon, Délos, et le Ptoion (Béotie) : aux couroi et corai de marbre et de style naxiens succèdent après 550 des œuvres pariennes. Les nombreuses trouvailles fortuites de sculpture faites à Paros depuis les années 1960 et le travail de recomposition d'œuvres morcelées (statues de culte d'Artémis Délia, statue d'Athéna Promachos) effectué par Aicatérini et Georges Despinis montrent la diversité et la qualité éminente des œuvres produites alors : de la Gorgone courant (560-550) trouvée en 1993 à la Nikè de style sévère (470-460), le musée de Paros abrite une série de chefs-d'œuvre qui en font l'un des hauts lieux de la sculpture grecque. La prépondérance des ateliers pariens, qui donnent le ton jusqu'aux grands travaux de Périclès sur l'Acropole, se manifeste aussi par la présence d'artistes pariens à Athènes et par l'exportation d'œuvres pariennes : la grande stèle funéraire signée par Palion de Paros, à Icaria (Cataphygi) ; la stèle d'une jeune fille trouvée en Chalcidique (musée de Salonique) en sont des preuves, parmi d'autres. Les équipes de sculpteurs du Parthénon (447-432) ont sans aucun doute fait une large place aux meilleurs spécialistes du marbre qu'étaient alors les Pariens : Agoracritos, l'assistant préféré de Phidias, celui qui allait pousser le style parthénonien jusqu'au maniérisme subtil de la fin du ve siècle (balustrade du temple d'Athéna Niké, sur l'Acropole) n'était-il pas un Parien ? Au ive siècle, Scopas, l'un des artistes qui renouvellent profondément la sculpture, est encore un Parien : son style sensuel (Ménade dansant de l'Albertinum de Dresde) poursuit les tendances de l'école parienne, dans l'esprit du temps. Si Paros ne produit plus ensuite de sculpteur majeur, la tradition y reste vivante : nombre de signatures d'artistes pariens sont attestées jusqu'à l'époque impériale.
Les marbriers pariens ont également joué un grand rôle dans l'évolution de l'architecture grecque. L'inventaire de quelque trois mille cinq cents blocs errants ou remployés réalisé par l'équipe dirigée par Gottfried Gruben (Institut d'histoire de l'architecture de l'université technique de Munich) a permis de reconstituer un grand nombre de bâtiments antiques disparus, dont la localisation exacte est parfois impossible. Il est frappant de constater que la plupart d'entre eux, les temples d'Artémis Délia et d'Apollon Pythios – les deux bâtiments de Marmara, l'hérôon d'Archiloque, deux portiques et une rotonde – sont de style dorique, alors que les Cyclades sont l'un des foyers de l'ionisme ; seuls les bâtiments de l'acropole (castro de Parikia), notamment le temple d'Athéna (fin du vie siècle), sont ioniques. Les procédés de construction ont permis d'identifier des ateliers[...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
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Autres références
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