PARTICULES ÉLÉMENTAIRES
Un bref historique
La physique des particules, telle qu'elle existe aujourd'hui, s'est singularisée, dans les années 1950, en se séparant de la physique nucléaire, son objet d'étude propre étant non la structure du noyau de l'atome mais celle du proton, qui commençait à perdre son caractère élémentaire : ce dernier avait déjà une dimension reconnue ; il pouvait être excité et se désexciter par émission de mésons. L'étude des interactions des rayons cosmiques faisait apparaître de nouvelles particules qui enlevaient au proton sa singularité première. Pour pénétrer à l'intérieur du proton, il fallait des énergies de choc bien supérieures à 100 MeV. C'est ce que permettaient d'obtenir les premiers grands accélérateurs de particules, les synchrotrons.
La physique des particules des années 1960
La première grande surprise, au début des années 1960, fut une prolifération énorme du nombre des hadrons, particules ayant des interactions fortes. Au cours de chocs avec des énergies dépassant largement les 100 MeV par particule, on ne brise pas le proton, mais on crée de nouvelles particules. L'énergie disponible se transforme en matière et antimatière. Les énergies mises en jeu pour pénétrer la structure étaient, pour la première fois, supérieures aux énergies de masse des hadrons. Certaines des particules produites se désintègrent par interactions faibles (temps de vie typique de l'ordre de 10—10 s). C'est le cas chaque fois qu'il faut pour cela changer la saveur d'un système de quarks. La plupart se désintègrent par interactions fortes (temps de vie typique de l'ordre de 10—23 s). Elles apparaissent toutes comme aussi élémentaires (ou complexes) les unes que les autres. On en distingue aujourd'hui plusieurs centaines de hadrons formés de quarks.
Murray Gell-Mann introduit la notion de quark et montre comment toutes ces particules peuvent être considérées comme des assemblages de quarks (un quark et un antiquark pour un méson et trois quarks pour un baryon). Le tableau 2 donne cette structure pour quelques hadrons (baryons et mésons).
Une expérience décisive est alors la découverte du grand oméga moins (Ω—) au B.N.L. (Brookhaven National Laboratory) en 1964 : une particule formée de trois quarks étranges. Ses propriétés avaient pu être prédites. Le quark reste l'hypothèse de base et d'autant plus que l'on n'arrive pas à extraire les quarks des hadrons, quelle que soit l'énergie mise en jeu. Les propriétés des interactions fortes au niveau des hadrons sont alors comprises en termes d'échange de mésons et de baryons entre particules (dualité). Dans ce contexte, bootstrap (chaque particule est un état lié d'autres particules) et dualité sont les termes de référence. Les interactions faibles au niveau des particules sont comprises et interprétées par l'échange de W très massifs. Le W reste cependant encore une hypothèse théorique non validée par des mesures expérimentales.
C'est alors qu'une expérience réalisée au S.L.A.C. (Stanford Linear Accelerator Centre) de Stanford en Californie, en 1968, fait apparaître des diffuseurs durs, quasi ponctuels, à l'intérieur de protons soumis au bombardement d'électrons de hautes énergies. L'étude du phénomène à l'aide de diffusions d'électrons, de muons et de neutrinos montre que ces diffuseurs ponctuels ont toutes les propriétés attendues pour les quarks. Cependant, le modèle décrivant le proton comme un état lié de trois quarks apparaît vite comme trop simpliste ; l'expérience montre que la moitié de l'énergie d'un proton est portée par des entités électriquement neutres, qu'on appelle gluons.
La physique des particules des années 1970
On comprend comment les quarks peuvent se manifester à l'intérieur[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Maurice JACOB : physicien au Cern, Genève, membre de l'Académie des sciences de Suède, correspondant de l'Académie des sciences de France
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification
Médias
Autres références
-
ACCÉLÉRATEURS DE PARTICULES
- Écrit par Michel CROZON et Jean-Louis LACLARE
- 3 528 mots
- 3 médias
Les modèles et théories qui synthétisent notre compréhension actuelle de la matière et de ses constituants élémentaires – molécules, atomes, particules – ont été confrontés à une multitude d'observations expérimentales. Pour réaliser ces expériences, c'est-à-dire observer l'infiniment petit, on utilise...
-
HADRONS
- Écrit par Bernard PIRE
- 4 223 mots
- 2 médias
La famille des hadrons rassemble les nombreuses particules sensibles à l'interaction nucléaire forte, cette force extraordinairement intense qui assure la cohésion du noyau en confinant les nucléons – protons et neutrons – dans un tout petit volume, malgré la répulsion électrostatique entre les protons....
-
DÉTECTEURS DE PARTICULES
- Écrit par Pierre BAREYRE , Jean-Pierre BATON , Georges CHARPAK , Monique NEVEU et Bernard PIRE
- 10 978 mots
- 12 médias
L' histoire de la physique subatomique est intimement liée à l'évolution des détecteurs de particules. Ces appareils furent souvent inventés pour répondre à des exigences précises de la physique. Ils furent aussi, parfois, le fruit des retombées du progrès de la technologie. Les deux classes de phénomènes...
-
BOSONS ÉLÉMENTAIRES
- Écrit par Bernard PIRE
- 2 872 mots
Particules au comportement grégaire, les bosons élémentaires sont les véhicules privilégiés des interactions fondamentales en physique nucléaire. Contrairement à l’autre famille de particules – les fermions, comme l’électron ou les quarks –, les bosons ont un moment angulaire intrinsèque (spin) nul...
-
BOSONS ET FERMIONS
- Écrit par Bernard PIRE
- 1 709 mots
- 1 média
Classer les objets d’étude est une étape essentielle de la démarche scientifique, dans tous les domaines. Peu après la naissance de la physique moderne, il est apparu que le concept de spin permettait de distinguer deux classes d’objets quantiques : les bosons et les fermions. Rappelons que,...
-
ÉLECTRONS
- Écrit par Jean-Eudes AUGUSTIN et Bernard PIRE
- 6 657 mots
- 5 médias
-
NEUTRINOS
- Écrit par Bernard PIRE
- 4 031 mots
- 2 médias
-
QUARKS
- Écrit par Bernard PIRE
- 2 130 mots
- 1 média
Les quarks sont des particules élémentaires. Ils ont été imaginés en 1963 pour expliquer la multiplicité croissante des particules élémentaires et la régularité apparente du nouveau tableau des éléments découverts grâce aux expériences utilisant les grands accélérateurs et sont maintenant considérés...
-
ANDERSON CARL DAVID (1905-1991)
- Écrit par Bernard PIRE
- 554 mots
Le physicien américain Carl David Anderson est né à New York de parents suédois le 3 septembre 1905. Après des études au California Institute of Technology de Pasadena, il y fait toute sa carrière, jusqu'à sa retraite en 1978. Dans sa thèse de doctorat soutenue en 1930, sous la direction de Robert...
-
ANTIMATIÈRE
- Écrit par Bernard PIRE et Jean-Marc RICHARD
- 6 931 mots
- 4 médias
Les résultats établis historiquement d'abord pour l'électron sont en fait plus généraux.Chaque particule possède une antiparticule qui lui est associée. Elles ont les mêmes caractéristiques mécaniques, c'est-à-dire même masse et même moment cinétique intrinsèque, ou spin. Mais une particule et... -
ASPECT ALAIN (1947- )
- Écrit par Bernard PIRE
- 1 156 mots
- 1 média
Il choisit un sujet extrêmement risqué : éprouver les fondements de la mécanique quantique et éclairer le débat épistémologique entre Albert Einstein et Niels Bohr en étudiant le phénomène dit d’intrication d’une paire de particules. -
ASTROPARTICULES
- Écrit par Pierre BAREYRE
- 2 125 mots
- 1 média
Les neutrinos (ν), produits en grande abondance par des processus divers à des énergies qui s'étendent de 10—5 à 1015 électronvolts, peuplent l'Univers à raison d'environ 300 par centimètre cube. Sont-ils massifs ? Les mesures directes de leur masse, très difficiles, donnent des limites... - Afficher les 82 références