DISCOURS PARTIES DU
L'étude systématique des différences portant sur les éléments (« parties ») mis en jeu dans le langage réalisé (« discours ») a été entreprise il y a fort longtemps par les grammairiens. C'est déjà pour les Indiens un début d'inventaire structural que d'inventorier le verbe, le nom, les prépositions et les particules. En Grèce, pour Aristote, « l'élocution se ramène tout entière aux parties suivantes : la lettre, la syllabe, la conjonction, l'article, le nom, le verbe ». Mais c'est Denys de Thrace (~ 170-~ 90) qui élabore la distinction entre les huit parties reprises telles quelles par Juifs et Arabes du Moyen Âge ; on abandonne les deux premières de la classification d'Aristote, comme relevant d'un autre niveau d'analyse, et la liste devient : article, nom, pronom, verbe, participe, adverbe, préposition, conjonction. Les quelques variantes que l'on trouve dans la théorie ultérieure ne modifient pas fondamentalement cette classification ; et dans la Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal culmine la logicisation du langage héritée d'Aristote et quelque peu remaniée : ainsi, s'agissant du verbe, on ne dira pas, comme le logicien grec, que c'est un « mot qui signifie avec une idée de temps », mais qu'il marque que le discours où ce mot est employé est le discours d'un homme qui ne conçoit pas seulement les choses, mais qui « les juge et les affirme », de telle sorte que cette catégorie de mots cumule par hasard avec cette fonction énonciative les marques de personne, de nombre et de temps.
Plusieurs raisons ont conduit la linguistique moderne à contester fondamentalement la partition des éléments de la langue en « parties du discours ». La principale est que la logique ne peut servir de guide en cette matière, car une telle théorie repose sur la certitude, plus ou moins avouée, que la langue est un reflet de la réalité, qu'elle distribue substances, attributs et catégories logiques dans des classifications sémantiques où pourraient figurer les mots. Cette notion elle-même est battue en brèche : quelle est l'identité du mot, si l'on songe que cette unité graphique est souvent accidentelle et représente un amalgame d'unités plus petites qu'on appelle morphèmes et qui, seules, peuvent recevoir une définition formelle, c'est-à-dire indépendante du sens postulé par le classement traditionnel ? Ce dernier, les études de linguistique générale le prouvent, n'a guère de valeur universelle, s'appliquant de préférence aux langues classiques, et l'on a même tout lieu de croire qu'il constitue une projection de nos habitudes culturelles sur un ordre que nous voudrions scientifique : nous sommes, de fait, parfaitement démunis lorsqu'il s'agit de donner à la classe des adjectifs en japonais quelque statut qui entre dans nos normes familières. Si la prédication est une procédure constante dans la faculté d'exprimer un jugement, rien n'autorise à parler du verbe, porteur ou non de l'aspect, de la modalité, du temps selon les systèmes, dans des termes qui, grammaticalement, soient des constantes ; et, de ce point de vue, il n'est pas exagéré de dire que la science moderne du langage a substitué sa propre notion de l'universel de langue, fondée sur des mécanismes opératoires constants (syntaxiques), à la notion ancienne, fondée, elle, sur un logicisme mentaliste.
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Écrit par
- Robert SCTRICK : assistant à l'université de Paris-X
Classification
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