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PARTIS POLITIQUES Financement

Dans sa sociologie des types de domination, le sociologue allemand Max Weber réserve une place à part à l'étude des partis politiques, délibérément rattachée « au domaine particulier de la sociologie de l'État ». Soucieux de leurs modes d'organisation, des mécanismes présidant à leur adhésion et de leurs moyens d'action matériels, la question générale de leur financement revient constamment au cœur de ses réflexions. « Pour des raisons compréhensibles, souligne-t-il, le financement des partis est le chapitre le moins transparent de l'histoire de ceux-ci, et pourtant, c'est un des plus importants ». Et Weber d'ajouter : « Sur le plan économique, le financement du parti est une question d'importance en ce qui concerne le mode de partage de l'influence et le mode de direction matérielle des affaires du parti : petites contributions des masses, mécénat idéologique, achat (direct ou indirect) par intérêt, imposition des chances procurées par le parti ou des adversaires qui lui sont soumis. » En fait, comme pour Moisei Ostrogorski ou Roberto Michels à la même époque, réfléchir au financement des partis politiques permet à Weber d'analyser diverses transformations de la vie politique de son temps, coincée entre la ploutocratie des candidats et leur « dépendance [...] par rapport aux fonctionnaires du parti ».

Argent et partis politiques : typologies et frontières

S'appuyant sur ces travaux, d'autres auteurs ont par la suite esquissé de véritables typologies distribuant les partis précisément en fonction de leurs ressources financières. L'opposition classique dessinée par Maurice Duverger en 1951 entre partis de cadres et partis de masses en fournit une première illustration. Le parti de masse compte sur le dévouement des militants et se caractérise par l'appel au public qui verse des cotisations, ce qui permet de parer aux frais des élections. Le parti de cadres mobilise d'autres ressources liées à des notables influents, d'abord par leur nom, leur prestige ou leur rayonnement qui « serviront de caution au candidat et lui gagneront des voix ; de notables techniciens, ensuite, qui connaissent l'art de manier les électeurs et d'organiser une campagne ; de notables financiers, enfin, qui apportent le nerf de la guerre ». La définition du modèle du parti cartel imaginée par Richard Katz et Peter Mair en 1995 place également au premier plan cette assise financière. Dans un environnement caractérisé par un accroissement considérable des coûts liés à la conduite des campagnes électorales, les autorités étatiques ont été amenées à réguler le financement de la vie politique. Les partis cartels qui se développent alors portent la marque de ces évolutions et incarnent un nouveau type d'organisation partisane réglementé et financé par l'État. Ce critère financier n'étant pas le seul pris en compte, Mair et Katz sont amenés à distinguer des partis élitaires nés au xixe siècle, dont les ressources dépendent de contacts personnels, auxquels s'ajoutent entre 1880 et 1960 des partis de masses financés par les cotisations et les contributions de leurs membres. Par la suite apparaissent des partis « attrape-tout » (catch-all parties) disposant de contributions d'origines plus variées, avant que les années 1970 ne donnent le jour à des partis cartels abondés par des subventions d'État.

L'objet n'est donc en soi pas nouveau. Il s'ancre au cœur du débat plus général et plus ancien du tracé des frontières symboliques entre sphère économique et sphère politique. Car si comme le rappelait Thibaudet « la politique, ce sont des idées », les finances n'en occupent pas moins une place majeure dans le fonctionnement de la cité. La question du financement des organisations partisanes fait donc au fond écho à une série de problèmes[...]

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  • : maître de conférences en science politique à l'université de Paris-X-Nanterre, membre du Groupe d'analyse politique

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