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PARTIS POLITIQUES Financement

Les comptes des partis français comme analyseur politique

La genèse de la réglementation du financement des partis politiques français est tardive en comparaison des exemples évoqués précédemment. Depuis le début des années 1970, une trentaine de propositions de réforme ont pourtant été présentées par des parlementaires. Les premières se sont d'abord focalisées sur les candidats et leurs dépenses. Il fallut attendre 1976 pour qu'une initiative inscrive les partis et leurs recettes au cœur de ces discussions. Une dizaine d'années plus tard, un an à peine avant le vote de la première loi, la question finit par devenir très sensible, les six propositions parlementaires déposées en 1987 plaçant au premier plan la question des modalités du financement des partis politiques.

Depuis les premières lois votées en 1988, la législation a été remaniée à différentes reprises. Les dons de personnes morales ont été autorisés puis prohibés (sauf ceux justement des partis politiques), des aides financières publiques instituées. Avec la suppression des dons des personnes morales en 1995, ces financements publics ont été augmentés et des incitations fiscales mises en œuvre afin d'aider les partis à collecter des subsides auprès des particuliers. Ces remaniements sont nés en réponse à certaines conséquences inattendues et de l'exploitation des points faibles de la législation par différents acteurs. Ainsi, au début des années 1990, des organisations classées comme sectaires par un rapport parlementaire ont utilisé les carences du droit en créant de pseudo-partis et en présentant des candidats dans l'unique but de répondre aux conditions d'allocation des subsides publics. En se pliant au respect formel de la nouvelle législation, le Parti de la loi naturelle recueillit ainsi 284 000 euros par an entre 1993 et 1997 puis 123 000 de 1998 à 2002. De la même façon, on vit aussi surgir à cette époque différents mouvements écologistes ou en faveur de la défense des animaux dont les candidats obtinrent des voix (et du même coup des financements publics) sans pour autant avoir investi financièrement dans leur campagne : ce qui permit à leurs dirigeants de s'assurer, légalement, de confortables revenus complémentaires. Enfin, comme l'observa la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (C.N.C.C.F.P.), d'autres partis « servant à l'évidence de tirelire à leur fondateur » furent également créés « pour développer une stratégie personnelle, soit par des personnalités de stature nationale qui entend[ai]ent se réserver un financement échappant au parti auquel elles [étaient] rattachées (comme l'association de soutien à l'action de Nicolas Sarkozy), soit par d'autres personnalités poursuivant une carrière plus locale ». On aperçoit ainsi combien cette réglementation, à l'instar de beaucoup d'autres, existe à travers ses usages et peut faire office d'outil, à la fois ressource et contrainte, pour les acteurs d'organisations partisanes inégalement prédisposés à s'en servir. Par-delà ses failles et les effets pervers nés de ses usages, ce nouveau droit réglementant les comptes des partis politiques n'en est pas moins devenu décisif en contribuant à peser sur la définition officielle de ces organisations. Là où l'article 4 de la Constitution de 1958 se contentait de poser le principe de leur liberté de création et d'activités, avec les nouvelles lois réglementant le financement de la vie politique, la définition même des partis politiques s'est trouvée métamorphosée. Depuis un litige survenu lors d'une élection en 1995, invoquant cette législation, la jurisprudence du Conseil d'État (sur laquelle s'est ensuite aligné le Conseil constitutionnel) définit en effet comme parti une personne[...]

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  • : maître de conférences en science politique à l'université de Paris-X-Nanterre, membre du Groupe d'analyse politique

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