PARTIS POLITIQUES Fonctionnement
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Les partis sont des organisations engendrées par les processus de démocratisation, l'extension de l'électorat et de l'éligibilité. Lorsque le suffrage masculin s'élargit ou s'universalise, des intermédiaires régulent l'échange politique et proposent des programmes et des candidats. Lorsque l'éligibilité se démocratise, de nouveaux compétiteurs, disposant de moins de ressources sociales que leurs prédécesseurs, notables et détenteurs de fonctions étatiques, créent des organisations qui leur permettent de revendiquer un droit à la représentation fondé sur la légitimité populaire. Les partis politiques se constituent sous des formes différentes en fonction des histoires nationales (types de structures économiques et sociales, degré auquel la compétition politique s'autonomise et se pacifie) tout au long du xixe siècle, mais plus tôt aux États-Unis ou au Royaume-Uni qu'en France.
Pour inclure la polysémie du label « parti » et la variété de ses modes d'existence historiques, on reprendra ici la définition large de Max Weber qui, en 1919, définit le parti comme « une sociation reposant sur un engagement (formellement) libre ayant pour but de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein d'un groupement et à leurs militants actifs des chances – idéales ou matérielles – de poursuivre des buts objectifs, d'obtenir des avantages personnels ou de réaliser les deux ensemble ».
Quels que soient la taille ou les objectifs d'un parti, on peut pour chacun d'entre eux dresser en première analyse une fiche d'identité présentant ses principales caractéristiques. Cette fiche d'identité descriptive passe par la mise à plat de son histoire (fondation, nom, sigles et logos, filiation, grandes dates et congrès, refondations et scissions), de ses structures (statuts, organigramme, finances, composition des instances) et de son fonctionnement (luttes internes), de sa base sociale (nombre et sociographie de ses adhérents, de ses militants et de ses électeurs), de sa position dans l'espace politique (alliés et adversaires, programme et idéologie, moyens d'action). On ne saurait se limiter à cette approche factuelle.
En considérant un parti comme une relation sociale, on présentera successivement la question des ressources partisanes, de la division du travail et du pouvoir dans l'organisation, question de l'action et des répertoires d'action partisans avant de terminer sur le problème des frontières partisanes : au-delà des acteurs visibles – les leaders, les militants –, qui influence le parti : les médias ? les électeurs ?
Organisation et ressources militantes
Un parti politique peut être considéré comme la rencontre entre des ressources collectives et des agents sociaux intéressés à y participer (les dirigeants, les militants, les adhérents) qui détiennent des ressources personnelles, acquises au cours de leurs trajectoires sociales et politiques.
Ressources collectives
La marque d'un parti est d'abord une couleur, un logo, un nom, un numéro, un sigle, donc détaché de son signifiant : le P.C., le R.P.R., le S.P.D., le P.T. ou le P.A.S.O.K. Un sigle est un point de repère stabilisé qui, pour celui qui acquiert le droit de parler en son nom, peut procurer l'accès à un ensemble de ressources, variables en fonction des conjonctures, de la capacité et de l'intérêt de ces interprètes à les utiliser.
Un parti met en jeu des ressources organisationnelles (des structures, des militants, des experts), des réseaux collectifs (des associations et/ou des syndicats, des structures d'entraide et des agencements clientélaires, des alliances garanties, un adversaire ou un « ennemi » désigné) et ces êtres politiques complexes que sont les électorats. Il met à la disposition des militants et de ses porte-parole des ressources financières, légales et illégales, privées (cotisations et dons) ou publiques. Les politiques de financement public ont eu des effets sur la transformation de la structuration générale des partis, notamment la baisse de la part du budget de l'organisation provenant de l'investissement militant, le recours croissant à un personnel extérieur ou à des militants en voie de professionnalisation, la réduction de la surface partisane à ses élus, la centralisation du financement dans les instances nationales du mouvement, la tentation des partis de limiter la concurrence des nouveaux entrants, etc. Ainsi le degré auquel la direction d'un parti, collectivement ou par le canal d'un leadership personnalisé, pèse ou non sur le financement des activités politiques nationales, locales et individuelles, induit des modes de gouvernement partisans très contrastés.
Ces transformations renvoient aussi aux mutations du périmètre d'action des partis et à la réduction des répertoires d'action partisans (au moins parmi les pays les plus anciennement démocratisés). Quant aux limitations des dépenses électorales, elles peuvent rétablir un certain équilibre ou transférer les inégalités d'accès et de ressources sur le terrain des médias.
Les ressources individuelles
En politique, les caractéristiques socio-démographiques des porte-parole (être une femme, avoir été ouvrier, être diplômé de Sciences Po) constituent un capital politique, sujet à de constantes évaluations et dévaluations dans les divers espaces de confrontations de la vie partisane et publique. Après une partielle démocratisation sociale, mais masculine, on assiste à une homogénéisation plus paritaire de la sélection du personnel politique. Avec des différences fortes selon les pays, quatre groupes professionnels tendent à monopoliser les fonctions politiques nationales : professions libérales, chefs d'entreprise, professeurs et hauts fonctionnaires (surtout en France pour ce dernier cas). Cette socio-démographie est intéressante pour comprendre les trajectoires d'hommes et de femmes politiques qui, dans et par leurs études et leurs carrières professionnelles, ont accumulé des expériences qui ne sont pas étrangères à la manière dont ils s'engagent dans un parti et en politique.
La politique est devenue une profession même si, selon les pays, elle peut être plus ou moins provisoirement interrompue en cas d'échecs électoraux. Les ressources d'un professionnel reposent sur l'ensemble des positions accumulées durant une carrière : vitesse et longévité dans la carrière, responsabilités au sein du parti, mandats exercés dans des associations, des syndicats ou des fédérations de partis (internationale ou partis européens), mandats électifs et cumuls de mandats (ou contrôle indirect en cas d'interdiction de cumuls), participation à des structures fermées (tendances au sein du parti, clubs, think tanks, associations d'élus), position relative dans l'espace politique (local/national, tenant/opposant/marginal), capacité à maîtriser des réseaux personnels et organisationnels diversifiés. Toutes ces ressources sont soumises à des variations temporelles : la valeur de ressources individuelles évolue au cours d'une carrière politique, comme elle varie en fonction des espaces sociaux fréquentés.
En fonction des partis et des spécificités nationales, la rencontre entre ressources partisanes et ressources individuelles prend des formes différentes. De même, la capacité d'appropriation personnelle des ressources partisanes est plus ou moins bridée. Plusieurs mécanismes peuvent y contribuer : la personnalisation progressive des mandats et l'appropriation simultanée des postes partisans « contrôlant » ces mandats, le recrutement ciblé d'adhérents permettant de transformer la « base » du parti sur le plan local ou national, le gel des adhésions pour maintenir en l'état les rapports de forces ou la formation d'associations électorales et personnalisées ad hoc séparées du parti... Ces opportunités d'appropriation privative, apparemment nulles dans le cas du P.C.F. des années 1940-1970, très larges au sein de l'U.D.F. actuelle, ont des formes souvent différentes dans d'autres pays où la mutualisation des ressources collectives par le parti a pu être préservée, au moins comme éthique.
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Écrit par
- Michel OFFERLÉ : professeur de sciences politique, université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne, Laboratoire de sciences sociales de l'École normale supérieure
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