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PARTIS POLITIQUES Théorie

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Le terme est familier, repérable dans des sigles devenus des acronymes peuplant la vie politique quotidienne. La matière est en effet infinie, car il se constitue constamment des organisations s'intitulant « partis », plus particulièrement à la fin du xxe siècle, à l'occasion des « transitions démocratiques » (Europe du Sud, Amérique latine, Europe de l'Est, Afrique voire Asie ou Moyen-Orient). Ce type de regroupements existe depuis plus d'un siècle pour le moins, et les partis interviennent en politique en de nombreuses circonstances (élections, mobilisations, formation de gouvernements, politiques publiques...).

En premier lieu se pose la question de la définition des partis (ce qu'ils ne sont pas, ce qu'ils sont, ce qu'ils ne sont plus et ce qu'ils devraient être) : elle est l'objet et l'enjeu de controverses qui ne sont pas seulement théoriques. L'encadrement juridique et les modes de désignation (auto-identification, stigmatisation par l'adversaire) ont aussi des effets très pratiques (financiers, politiques et symboliques). En second lieu, comprendre les partis suppose non seulement de définir cet objet mais aussi de faire le détour par la manière dont ce terme a été historiquement utilisé et sous quelles formes les partis se sont structurés dans les processus démocratiques.

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D'un point de vue sociologique, différentes traditions d'analyse ont rendu compte des réalités partisanes. On distingue celles qui traitent les partis comme des entités agissantes (« le parti socialiste pense que... ») et celles qui les abordent comme des relations sociales en insistant sur le jeu des individus qui les font exister. Cependant, les théories concernant les partis varient aussi selon le degré auquel elles envisagent le rapport existant entre l'organisation et la société que ses porte-parole et ses militants entendent représenter.

Définition

Les analystes considèrent comme des partis les groupes qui s'intitulent eux-mêmes « partis ». Cette définition simple appelle deux objections contradictoires. Toutes les organisations partisanes n'endossent pas le terme « parti » dans leur sigle et tous les groupements politiques ne sont pas considérés par les commentateurs et les protagonistes comme également dotés d'objectivité partisane.

Objets exclus de la définition

Toutes les organisations qui participent à la vie politique n'adoptent pas le mot parti dans leur sigle. Elles préfèrent, par distinction ou euphémisation politiques, se référer à des vocables plus consensuels (alliance, union, rassemblement, centre, fédération...), plus fluides comme mouvement, plus militants comme ligue ou front, ou refusent tout simplement les dénominations habituelles, comme Forza Italia en Italie ou Kadima (En avant !) en Israël.

Le déni de reconnaissance par les États ou les formations concurrentes fait partie du jeu politique. Dans le monde, les États disposent de moyens de coercition (interdiction du parti et répression de ses membres pour cause d'« atteinte à la sûreté de l'État », privation d'avantages attachés à l'appartenance à la catégorie). Les adversaires peuvent aussi tenter de le déclasser symboliquement : une organisation peut ainsi être stigmatisée en raison de sa taille, en tant que « groupuscule », « secte » ou « petit parti », ou en raison de son manque d'institutionnalisation. Elle peut l'être aussi du fait de son décalage avec la « raison d'être » qui serait celle de tout parti politique.

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Un parti n'est en effet ni l'État, ni une Église, ni un club politique, ni un groupe parlementaire, ni une entreprise, ni un groupe d'intérêts, ni un mouvement social, ni une organisation terroriste ou séparatiste (Al-Qaida, le Hamas, Herri Batasuna), ni un agent de l'étranger (« parti de l'étranger »), ni une mafia. Des partis sont issus de formes associatives : groupes d'intérêts, syndicats, mouvements de défense de l'environnement, fondations ou O.N.G. occidentales, réseaux évangélistes appuyant la création de partis dans les processus de démocratisation, associations culturelles (le Mouvement culturel berbère et R.C.D. en Algérie), religieuses (P.J.D. marocain, Frères musulmans, Hezbollah). Et le terme « parti » peut être mobilisé par des groupements revendiquant la lutte armée (Kurdes ou Afghans après 1979) ou des partis uniques (sous des formes très diversifiées quant aux rapports parti-État, le Baas, les partis communistes, le N.S.D.A.P. hitlérien ou P.N.F. fasciste).

Définitions juridiques

Des définitions juridiques ont souvent accompagné la reconnaissance des partis, ou leur encadrement dans des lois de financement public. Si ce n'est pas le cas en France, les partis sont définis, par exemple en République fédérale d'Allemagne, comme « des associations de citoyens qui, sans limitation de temps ou pour une longue durée, influent sur la formation de la volonté politique aux niveaux de la Fédération ou d'un Land et entendent participer à la représentation du peuple au Bundestag ou à un Landtag, pourvu que l'ensemble des circonstances de fait qui leur sont propres, notamment l'ampleur et la consistance de leur organisation, l'effectif de leurs membres et leur activité sur la scène publique présentent une garantie sérieuse de leurs objectifs » (loi sur les partis politiques, République fédérale allemande, 1967). La Constitution ou la loi délimitent les territoires partisans au regard de la théorie démocratique, établissent des règles contraignantes imposant un enregistrement (comme au Brésil ou dans les multiples systèmes américains). Le financement public peut être lié à l'adoption de statuts types réglant la structure et le fonctionnement des partis. Ces législations autorisent leur expression politique et leur permettent de bénéficier des avantages liés à ce label : financement public, accès gratuits à certains médias, et surtout droit de présenter des candidats aux élections. Même lorsque la définition juridique est claire, le débat sur le caractère plus ou moins « partisan » de telle formation ne cesse pas pour autant.

Le parti comme organisation durable

Les politologues ont d'ailleurs canonisé une distinction entre les partis dits relevant et les autres. Les premiers produisent des effets pertinents, surtout électoraux, dans le champ politique : seuils de 5 p. 100 ou capacité de nuisance dans la formation des coalitions. La définition de Joseph La Palombara et Myron Weiner, dans Political Parties and Political Development (1966), a été bien souvent avalisée malgré son caractère figé et historiquement situé. Selon eux, un parti politique est « une organisation durable, c'est-à-dire une organisation dont l'espérance de vie politique est supérieure à celle de ses dirigeants en place ; une organisation locale bien établie et apparemment durable, entretenant des rapports réguliers et variés avec l'échelon national ; la volonté délibérée des dirigeants nationaux et locaux de prendre et d'exercer le pouvoir, seul ou avec d'autres, et non pas – simplement – d'influencer le pouvoir ; le souci enfin de rechercher un soutien populaire à travers les élections ou de toute autre manière ».

Une définition, beaucoup plus étroite et moins exigeante du point de vue de l'organisation avait été formulée par Anthony Downs, dans An Economic Theory of Democracy en 1957 : un parti est « une équipe d'hommes cherchant à contrôler l'appareil gouvernemental en remportant les postes à l'issue d'une élection régulière ».

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Ces définitions normatives excluent de nombreux groupes non institutionnalisés (petits partis, partis éphémères, partis régionalistes, partis personnels, groupes désignés comme groupuscules....) qui pèsent sur la compétition politique et les partis uniques voire aussi les partis dits « antisystèmes », « révolutionnaires ».

La définition large de Max Weber

Le sociologue allemand Max Weber a proposé une définition large qui a l'avantage d'éviter la normativité (les « bons partis »), l'évolutionnisme (« les partis sont la démocratie qui est leur horizon ») ou la focalisation sur l'organisation (les « vrais partis durables donc nécessaires »). En 1919, Max Weber appréhende le parti, dans Le Métier et la vocation d'homme politique, comme « une sociation reposant sur un engagement (formellement) libre ayant pour but de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein d'un groupement et à leurs militants actifs des chances – idéales ou matérielles – de poursuivre des buts objectifs, d'obtenir des avantages personnels ou de réaliser les deux ensemble ». Au sens wébérien, une sociation est une relation sociale fondée sur un compromis d'intérêts motivé rationnellement (en valeur ou en finalité) : ainsi en est-il de l'échange, de l'association à but déterminé ou de l'association à base de convictions. Cette définition permet l'inclusion de groupements ne reposant pas sur une organisation structurée. Elle insiste sur la coopération-compétition qui unit et oppose les protagonistes de la sociation et sur la diversité de leurs investissements.

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Écrit par

  • : professeur de sciences politique, université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne, Laboratoire de sciences sociales de l'École normale supérieure

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