PARTIS POLITIQUES Théorie
Genèse du parti politique
L'émergence de la forme « parti » est généralement présentée en lien avec les processus de démocratisation du suffrage. Mais les partis sont un élément toujours contesté de la vie démocratique.
Les partis et le suffrage universel
Les partis apparaissent comme les organisateurs de la médiation démocratique. Lorsque le suffrage masculin s'élargit ou s'universalise, des intermédiaires régulent l'échange politique et proposent des programmes et des candidats. Les « machines politiques » américaines apparaissent vers 1830 ; les partis britanniques se structurent hors du Parlement dans les années 1860 ; en France, les organisations politiques, réprimées sous les diverses monarchies, se stabilisent légalement après 1880.
La démocratisation du suffrage est contemporaine de la démocratisation de l'éligibilité : les nouveaux entrants, producteurs et produits de la démocratisation, introduisent des croyances, des ressources et des enjeux nouveaux dans la compétition politique. Selon l'historien français Raymond Huard, les partis de militants se créent en agrégeant des formes de coordination déjà spécialisées (comités électoraux, réunions de parlementaires, comités de rédaction de journaux, sociétés secrètes) et des groupes multifonctionnels (cercles ou chambrées, journaux, loges, mutuelles, sociétés de résistance voire ligues) qui portent des attentes sociales fortes. Ils inventent contre les notables les moyens d'accumuler des ressources financières, sociales et politiques. La création des partis-organisations est corrélative de ce grand mouvement d'autonomisation et de professionnalisation des activités politiques. Faute de pouvoir seulement vivre pour la politique, ces nouveaux entrants vont vivre, selon la distinction élaborée par Max Weber, « de et pour » la politique grâce aux indemnités parlementaires et aux postes créés dans les partis ou dans la presse partisane. La conversion relative des notables aux formes de mobilisation partisanes et populaires renforce la spécialisation en politique, déjà acquise pour certains d'entre eux.
Les partis contre la démocratie ?
Depuis la fin du xixe siècle, les partis sont au centre de la vie politique. Quelle que soit la définition du « bon parti de gouvernement », ou le périmètre légitime d'action d'un parti, ils prétendent monopoliser la sélection des élites politiques dirigeantes par l'élection. Pourtant, cette évidence se heurte, au xixe siècle, à la concurrence des anciennes élites (armée, noblesse, clergé et grands notables), hostiles à la démocratisation et pour qui l'élection n'est, selon André Siegfried dans son Tableau politique de la France de l'Ouest (1913), « que la ratification de l'autorité sociale évidente »). Qualifiés en France de « politiciens », dénigrés aux États-Unis, vilipendés dans les travaux sociologiques, notamment par le Russe Moïseï Ostrogorski, les partis revendiquent pourtant le monopole de la production et de l'échange des biens politiques et imposent une nouvelle manière de faire de la politique : la transaction politique, principalement électorale, doit porter sur des promesses, des valeurs, des programmes et sur des biens publics indivisibles. Les échanges clientélaires, échanges très personnalisés ou mobilisation de réseaux familiaux et sociaux profonds sont appelés à disparaître. Ce type de transactions a pu accompagner voire permettre la mobilisation et la démocratisation électorales. Certaines entreprises politiques fondées sur le patronage ont pu ou peuvent reposer sur ces échanges fondés sur la fidélité pérenne et familiale ou sur de purs échanges intéressés ; l'un n'excluant pas l'autre, dans le bossism nord-américain ou argentin (radical ou péroniste), ou démocrate-chrétien du Sud italien,[...]
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Écrit par
- Michel OFFERLÉ : professeur de sciences politique, université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne, Laboratoire de sciences sociales de l'École normale supérieure
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