CRIBIER PASCAL (1953-2015)
Si le monde des paysagistes reste bien moins connu que celui des architectes, le nom de Pascal Cribier s'est imposé auprès d'un public toujours plus large, depuis le concours pour la réhabilitation des Tuileries, remporté par son équipe en 1990, jusqu'au succès éditorial qu'a connu Itinéraires d'un jardinier (2009). Monographie de référence rassemblant les contributions d'historiens, de scientifiques et de praticiens, ce traité hors norme cherche à restituer une déambulation dans près de soixante-dix réalisations et explore les questionnements qui nourrissent le travail de Pascal Cribier : la fascination du vivant, la recherche d'agrément spatiale et sociale dans les lieux publics, ou encore les défis posés par l'avènement du virtuel et les urgences écologiques.
Né en 1953 à Louviers (Eure), diplômé de l'École des beaux-arts et architecte D.P.L.G. en 1978, Pascal Cribier s'est confronté aux aspects les plus concrets du métier de paysagiste dans des pépinières et des entreprises d'espaces verts avant d'exercer à partir de 1982. Son choix de se présenter comme jardinier renvoie à une philosophie du projet fondée sur une méticuleuse attention portée au terrain : observer le sol et les courants d'air, écouter les habitants, suivre la moindre étape d'un chantier. Plus que l'échelle d'intervention, qui peut aller de quelques dizaines de mètres carrés à des milliers d'hectares, c'est la distinction entre trois registres trop souvent confondus – jardin, paysage et nature – qui permet, à ses yeux, de rendre compte des différents types de sites où il est amené à opérer.
Jardin, paysage, nature
Conçu à l'instar de la musique pour mêler des temporalités complémentaires – la lente croissance d'un arbre, la floraison fulgurante d'une plante vivace, le rythme de la marche, la course des nuages –, le jardin doit susciter l'émerveillement et permettre d'être absorbé par la contemplation de l'éphémère. Le jardin dont Pascal Cribier s'occupe à partir de 1982 à Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime), situé sur une pente boisée au sol argileux où aucun engin ne peut passer, lui a enseigné l'importance du geste du jardinier : un tracé doit être réglé au centimètre près non seulement pour le plaisir de l'œil mais aussi pour la commodité des personnes qui entretiennent un lieu. Cette approche fonctionnelle contribue à la modernité d'un jardin, qui, selon lui, tient moins à sa composition ou à l'usage des matériaux qu'au recours aux cultivars (variétés de plantes obtenues par sélection) et hybrides (variétés obtenues par croisement) les plus récents, dont les qualités ont été améliorées pour ce qui concerne les couleurs, la silhouette, mais aussi la résistance. Le potager de Woolton House, dans le Hampshire (1996, Grande-Bretagne), illustre cette approche. Hymne à la diversité végétale, le jardin expérimental de Méry-sur-Oise (2000) met en scène les stratégies par lesquelles les plantes s'adaptent à l'action mécanique, à la qualité chimique et à la température de l'eau.
Le paysage relève de l'efficace. Ses formes, qui dérivaient avant tout de sa vocation productive, sont de plus en plus façonnées par des décisions administratives – conviction acquise dès les premières études conduites en 1982 par Pascal Cribier sur le pays de Caux (Normandie) avec l'urbaniste Patrick Écoutin. Il s'agit dès lors pour le paysagiste de comprendre ces processus afin de pouvoir les infléchir. Ces analyses peuvent porter sur des milieux ruraux, industriels ou urbains. C'est ainsi que Pascal Cribier reconfigure un ranch à Dillon dans le Montana (1999, États-Unis), propose une possible reconquête des rives du Rhône grâce au développement à long terme de quartiers d'habitation dans la « vallée de la chimie[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Hervé BRUNON : chargé de recherche au C.N.R.S., centre André-Chastel, Paris
Classification
Médias