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LAMY PASCAL (1947- )

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Inspecteur des finances, ancien commissaire européen, Pascal Lamy a été directeur général de l' Organisation mondiale du commerce (OMC) de 2005 à 2013. Né en 1947 à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), ce fils de pharmaciens a suivi de brillantes études qui l'ont conduit à une carrière dans la haute fonction publique. Diplômé de l'École des hautes études commerciales (HEC), puis de l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po), il rejoint ensuite l'École nationale d'administration (ENA), dont il termine deuxième – derrière Alain Minc – de la promotion Léon Blum, en 1975. Affecté à l'Inspection générale des finances pendant quatre années, il intègre en 1979 le Comité interministériel pour l'aménagement des structures industrielles (CIASI) à la prestigieuse direction du Trésor. À cette époque il est déjà membre du comité directeur du Parti socialiste (PS) – il le restera jusqu'en 1994 – auquel il a adhéré à l'âge de vingt-deux ans, après avoir milité pendant le lycée (Carnot à Paris) aux Jeunesses étudiantes chrétiennes (JEC).

En 1981, après l'accession de François Mitterrand à la présidence de la République, il est recruté par Jacques Delors, promu ministre de l'Économie et des Finances. C'est à l'ENA, lors d'un séminaire, qu'il a rencontré celui qui allait devenir son mentor. Il partageait déjà avec ce dernier une même sensibilité de « catholique de gauche » et des convictions européennes. D'abord conseiller technique de son cabinet, il en devient rapidement le directeur adjoint. C'est ainsi qu'il se retrouve au cœur d'une période assez vertigineuse de l'histoire politique française. Car, en mars 1983, pour répondre à la crise monétaire, Mitterrand décide de faire le choix de la rigueur et de l'Europe, en refusant la sortie du Système monétaire européen (SME). Appartenant à ce « clan de la rigueur », Lamy est envoyé auprès du Premier ministre, Pierre Mauroy, afin de piloter, en tant que directeur adjoint de son cabinet, ce tournant « historique » dans la politique du gouvernement socialiste.

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En 1985, Delors devient le président de la Commission des Communautés européennes et Pascal Lamy son directeur de cabinet, ainsi que son « sherpa » chargé de préparer les sommets internationaux. Il devait le rester pendant près de dix ans. Dix années qui seront vécues comme une époque presque bénie, celle des grandes réalisations, de l'achèvement du Marché commun, avec l'Acte unique de 1986, à la mise en œuvre de l'Union économique et monétaire, avec la signature du traité sur l'Union européenne, à Maastricht en 1992. Ses fonctions valent à Lamy une série de sobriquets peu aimables – tel que « rottweiler », « chef de commando » et surtout « exocet », comme le missile – mais également une réputation de travailleur infatigable, rigoureux et efficace. Delors le qualifia de « moine-soldat ».

En 1993, il tente une première percée en politique et se présente aux législatives qui ont lieu en mars sous les couleurs socialistes. Battu par le Front national, l'expérience est vécue comme un échec douloureux. Mais, dès l'année suivante, il est appelé à participer au « sauvetage » du Crédit lyonnais par Jean Peyrelevade, ancien du cabinet Mauroy puis patron de Suez, que le gouvernement Balladur venait de nommer à la tête de la banque. Comme directeur général, il conduira un plan de redressement de l'entreprise (comprenant des milliers de suppressions d'emplois) qui aboutira à sa privatisation en 1999. Il était pressenti, en couronnement de son action, pour prendre la succession de Peyrelevade. Mais, dès juillet 1999, il reprend le chemin de Bruxelles pour intégrer l'équipe de Romano Prodi à la Commission européenne, au poste de commissaire chargé du commerce.

Le choix d'un socialiste français pour succéder au conservateur Leon Brittan à ce poste clé de la Commission était d'autant moins évident que la France traînait une réputation de protectionnisme. Lors de son audition devant le Parlement européen, en septembre 1999, il plaide pour une « globalisation maîtrisée » ; cette idée devait rester l'un de ses leitmotivs. Outre sa parfaite connaissance des rouages de la machinerie européenne, il peut aussi compter sur un carnet d'adresses parmi les plus influents – il est notamment membre de l'association Le Siècle – et un réseau de relations qui dépasse les frontières nationales. Du fait de ses convictions libre-échangistes, de ses redoutables talents de négociateur et de son attention à faire prévaloir l'intérêt européen sur les intérêts nationaux, Lamy a obtenu rapidement la confiance des milieux d'affaires et des instances diplomatiques.

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S'il est un orfèvre en négociations, le haut fonctionnaire affiche également un goût prononcé pour le débat d'idées. C'est ainsi qu'il intervient régulièrement dans la presse pour défendre ses vues, et participe à différents laboratoires d'idées. Ses convictions européennes l'ont conduit à adhérer à des organisations telles que le Mouvement européen et surtout Notre Europe, une association dont il est aujourd'hui le président d'honneur. Lamy se revendique également d'une gauche « moderne », qui assume son libéralisme, et participe à des centres de réflexion comme « En temps réel », imaginé après la dissolution de la fondation Saint-Simon, « À gauche en Europe », créé par Dominique Strauss-Kahn, Michel Rocard et Pierre Moscovici, ou bien encore « Telos », présidé par l'universitaire Zaki Laïdi. En 2004, il publie dans la collection Le Seuil-La République des idées Démocratie-Monde, un ouvrage qui plaide pour « une autre gouvernance globale » et propose l'utopie d'une démocratie « alternationale », à l'échelle de la planète.

Pascal Lamy - crédits : Commission européenne

Pascal Lamy

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Si ses positionnements intellectuels aussi bien que son action de commissaire européen lui ont attiré les foudres du mouvement altermondialiste, elles lui ont valu en revanche les faveurs des pays membres de l'OMC qui l'ont élu à la tête de l'organisation en 2005. Ses efforts pour mener à bien le cycle de négociations dit « de Doha », entamé en 2001, ont échoué. Il tente également de promouvoir ce qu'il nomme le « consensus de Genève », c'est-à-dire « la conviction que l'ouverture des marchés est bien un moteur de développement, mais à la condition que nous corrigions les déséquilibres qu'elle crée entre les gagnants et les perdants ». À partir de la récession mondiale qui éclate en 2008, le président de l’OMC insiste sur la nécessité absolue d’une régulation financière à l’échelle mondiale. Unique candidat à sa propre succession, il est reconduit dans ses fonctions pour un nouveau mandat de quatre ans en avril 2009. Roberto Azevêdo lui succède à la tête de l’OMC en septembre 2013.

De 2019 à 2023, Pascal Lamy est président du Forum de Paris sur la paix.

— Antoine SCHWARTZ

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Écrit par

  • : chercheur en science politique à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

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Média

Pascal Lamy - crédits : Commission européenne

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