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PASCIN JULIUS PINKAS dit JULES (1885-1930)

De tous les artistes du Montparnasse des années vingt, il n'en est peut-être pas un qui traîne derrière lui une légende aussi encombrante. Voir en Pascin, comme on le faisait encore il y a quelques années, « la dernière incarnation du Juif errant », sous prétexte que, né en Bulgarie d'un Israélite espagnol et d'une Italienne, il avait une évidente tendance au vagabondage, est à la fois absurde et déplaisant. Tour à tour fascinant pour ceux qui l'approchaient et un peu falot, Pascin cultiva son dandysme avec assez de sérieux, par-delà l'alcool et même la drogue, pour se suicider la veille même du vernissage de la première exposition personnelle à laquelle il consentait. Mais ce bohème célèbre par les fêtes qu'il donnait et par celles où il s'introduisait (Calder le vit un jour arriver dans son atelier avec plus de vingt personnes) reste un artiste déconcertant et sensible, qu'on aurait grand tort d'expliquer par le seul « climat » où son œuvre se développa. Collaborateur au Jugend de Berlin et au Simplicissimus de Munich depuis 1900, il vivait de ses dessins ; il subissait alors l'influence de Matisse, influence que ses premières peintures, saturées et traitées par touches contrastées, combinent avec un certain vérisme. En 1910, il illustre un recueil de poèmes d'Henri Heine, mais, en 1914, il rompt tous ses contrats avec les éditeurs allemands qui l'employaient. Il gagne alors New York, fréquente Harlem, puis le sud des États-Unis, et enfin Cuba, d'où il rapportera quantité d'aquarelles et d'esquisses, ainsi que plusieurs tableaux. Ceux-ci sont marqués par un certain cubisme. De retour à Paris en 1921, Pascin illustre Fermé la nuit de Paul Morand, Aux lumières de Paris de Pierre Mac Orlan, etc., tout en continuant son existence à la fois fastueuse et misérable. Sa peinture comporte un petit nombre de sujets bibliques (L'Enfant prodigue) empreints de mélancolie, mais aussi de graciles ballets rococo, avec amours tirant des flèches, et « turqueries » plus imaginaires qu'inspirées par l'Espagne et la Tunisie, où il fait de fréquents séjours. Ces toiles, au demeurant peu nombreuses, sont traitées dans le même style que les effigies de fillettes ou de femmes, seules ou en couple, qu'il trace par ailleurs, et auxquelles il doit sa renommée posthume. La couleur diluée dans l'essence laisse transparaître un dessin très aigu sous sa fausse nonchalance, et les valeurs chromatiques sont sacrifiées à un sfumato à dominante gris perle ou rose vibrant. L'érotisme insidieux qui s'en dégage frôle parfois la vulgarité, mais n'y tombe jamais. Et, dans ses plus grandes réussites, Pascin se montre un témoin extrêmement subtil d'une réalité charnelle où toute espèce d'angoisse se dissout dans une grâce irréelle mais durable.

— Gérard LEGRAND

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    ...Russe Marc Chagall (1887-1985) et le Polonais Moïse Kisling (1891-1953). On doit leur associer le Japonais Léonard Foujita (1886-1968), le Bulgare Jules Pascin (1885-1930) et un certain nombre de sculpteurs tels que l'Ukrainienne Chana Orloff (1888-1968) ou le Lituanien Jacques Lipchitz (1891-1973)....