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PASSAGES, architecture

Les sources

Les sources sont multiples et elles se fondent dans cet éclectisme esthétique du passage qui ressortit sans doute à cette passion de la collection qui hante le xixe siècle. De toutes ces influences, il serait difficile de dire laquelle est prépondérante. Citons :

– Le modèle exotique du bazar oriental (Ispahan, Istanbul, Fez, Damas, Boukhara). Un texte de Chardin publié en 1686 témoigne de l'intérêt porté à ces bazars dès le xviiie siècle et montre tout ce que la conception du passage doit au modèle oriental. « ... Le mot bazar signifie marché et [...] on appelle ainsi de grandes rues couvertes où il n'y a que des boutiques. Les plus spacieux sont larges de quatorze à quinze pas. Il y en a de très beaux. La plupart sont bâtis de briques, couverts en voûte. Quelques-uns sont couverts de dômes. Le jour y entre par de grands soupiraux qui sont à la couverture, et par les rues de traverse. On peut ainsi en tout temps traverser Ispahan d'un bout à l'autre à pied sec et à couvert » (Voyages du chevalier Chardin en Perse, Paris, Le Normant, imprimeur-libraire, 1811 ; t. VII, pp. 293-294). Les deux différences majeures qui distinguent le bazar oriental du passage européen tiennent à l'emploi du verre : les soupiraux dispensent bien sûr une lumière plus parcimonieuse que les toits vitrés du passage, mais surtout l'acheteur peut toucher la marchandise que le commerçant expose à sa demande sur des comptoirs tandis que la vitrine du passage autorise certes une proximité visuelle idéale mais elle interdit toute rencontre tactile avec la marchandise. L'intérêt pour le bazar oriental a été réactivé par l'expédition de Bonaparte en Égypte (1798-1799), qui provoqua à Paris un engouement pour les monuments et les motifs ornementaux égyptiens – le passage du Caire (1899) doit son nom à cette expédition.

– Le modèle du marché et de la foire. Le passage abritant pour l'essentiel des commerces, il peut être comparé à d'autres rassemblements durables de détaillants tels qu'on en voit apparaître dès l'Antiquité. Le passage s'inscrit dans une tradition qui va des marchés de Trajan, ensemble de rues bordées de boutiques sous une voûte qui servait à l'approvisionnement de Rome sous Trajan, à la foire Saint-Germain, fondée en 1462 et qui a subsisté après plusieurs remaniements jusqu'en 1786. La foire Saint-Germain était installée près de l'église Saint-Sulpice ; elle s'inscrivait dans un grand carré que quadrillaient des axes de circulation orthogonaux. Ses bâtiments carrés de deux étages étaient bordés sur leur pourtour de boutiques dont les volets de bois formaient l'abattant du comptoir et l'auvent et qui donnaient sur des rues réservées aux piétons. J. F. Geist fait observer que la façade de ces bâtiments offre une ressemblance frappante avec la façade intérieure du passage des Panoramas. Cette foire proposait également des maisons de jeu, des spectacles en tout genre qui joueront eux aussi un rôle important dans les passages, et le premier café de Paris y vit le jour qui inaugurait une vie mondaine en extérieur beaucoup plus labile que celle qui régnait dans les salons et autorisant des promiscuités que ceux-ci proscrivaient. L'animation des passages, comme celle des cafés, paraît à bien des égards résulter d'un transfert de certains pans de la vie privée dans des lieux publics.

– Enfin, les exchanges (bourses) anglais qui comportaient pour certains d'entre eux un étage avec des commerces de luxe méritent une mention particulière en raison de l'influence qu'ils ont exercée sur les passages des pays anglo-saxons.

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