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PASSAGES, architecture

Le passage comme thème littéraire

Il est intéressant de considérer la place que la littérature a accordée aux passages et les jugements esthétiques qu'elle a portés sur eux parce qu'elle donne la mesure exacte, même si c'est parfois avec retard, des engouements ou des dédains suscités par le passage.

L'enthousiasme étourdit les premiers visiteurs des passages, en particulier les étrangers accourus de toute l'Europe pour découvrir l'attraction européenne par excellence : Paris. Ainsi Ludwig Börne : « Je ne puis vous décrire la somptuosité et la splendeur de la nouvelle galerie d'Orléans au Palais-Royal. Je l'ai vue pour la première fois éclairée a giorno par le gaz et ai été surpris comme rarement je l'ai été. Elle est large et couverte d'un ciel de verre. Les ruelles vitrées que nous avons vues au cours des années précédentes, même si elles nous plurent sur le moment, sont en comparaison des caves obscures ou de méchantes mansardes. C'est une grande salle enchantée bien digne de ce peuple d'enchanteurs » (1830, cité par Schaper, p. 20). Mais déjà sourd la nostalgie chez Balzac qui préfère à cette « froide, haute et large galerie, espèce de serre sans fleurs », les galeries de bois surnommées camp des Tartares en raison de la cupidité qui ensauvage ses habitants. « Ce bazar ignoble a joué dans la vie parisienne un si grand rôle qu'il est peu d'hommes âgés de quarante ans à qui cette description incroyable pour les jeunes gens ne fasse encore plaisir » (Les Illusions perdues, 1837).

C'est donc assez longtemps après que les temps héroïques furent révolus que le passage fit son entrée dans la littérature. Les deux premiers textes qui lui sont consacrés sont Les Passages et les rues, ou la Guerre déclarée, un vaudeville de 1827, et « Les Passages de Paris » d'Amédée Kermel dans Paris, ou le Livre des cent-et-un (1833), édité par Ladvocat qui était lui-même installé dans le passage du Palais-Royal.

Dans la seconde moitié du xixe siècle, le mythe du passage s'effrite, sa nouveauté a vieilli et les auteurs se font désormais l'écho des jugements négatifs que le public commence à porter sur les passages. Barbey d'Aurevilly les boude car il y voit la matérialisation d'une modernité haïe et un lieu anti-aristocratique par excellence, un temple du commerce et de l'argent. Villiers de l'Isle-Adam compare le passage de l'Opéra à la morgue de Paris sans parvenir à déceler la moindre différence : dans l'un et l'autre, c'est le règne de la mort. Dans Nana de Zola (1879), le passage des Panoramas est un lieu de perdition pour les classes supérieures qui viennent y frayer avec les cocottes du théâtre des Variétés. De surcroît, le passage serait une fabrique du mauvais goût (celui de Nana s'est formé là), qui fixe les références esthétiques des couches de population qui ont accédé depuis peu à la liberté de styliser leur vie. « Elle [Nana] adorait le passage des Panoramas. C'était une passion qui lui restait de sa jeunesse pour le clinquant de l'article de Paris, les bijoux faux, le zinc doré, le carton jouant le cuir. Quand elle passait, elle ne pouvait s'arracher des étalages, comme à l'époque où elle traînait ses savates de gamine, s'oubliant devant les sucreries d'un chocolatier, écoutant jouer de l'orgue dans une boutique voisine, prise surtout par le goût criard des bibelots à bon marché, des nécessaires dans des coquilles de noix, des hottes de chiffonnier pour les cure-dents, des colonnes Vendôme et des obélisques portant des thermomètres » (coll. La Pléiade, p. 1264). Si Zola, comme les autres écrivains de son époque, reste insensible à l'architecture elle-même du passage, c'est probablement que celle-ci est contaminée, à ses yeux, par le mauvais goût des objets qu'elle y expose.[...]

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