PASSION, genre musical
Au Moyen Âge, à l'exception des drames sacrés représentés dans les églises, puis sur les parvis, il n'y a point de « Passion », du moins en tant que forme musicale spécifique indépendante de la liturgie.
L'usage s'est établi dès le ive siècle de réciter la Passion selon l'Évangile de saint Matthieu, le dimanche des Rameaux et la Passion selon saint Luc, le mercredi saint. Vers les viiie et ixe siècles, on réserve au mardi saint le récit de la Passion selon saint Marc et au vendredi saint celui de la Passion selon saint Jean. C'est au xiiie siècle, rapporte Albert Schweitzer, que dans sa Rationale divinorum officiorum, Durandus propose de rendre plus vivante la lecture des textes sacrés en « caractérisant d'une façon spéciale les douces paroles du Christ, le récit simple de l'évangéliste et les vociférations de la foule impie ». Nous avons là une première indication de la forme qu'allait revêtir en musique la Passion dramatique.
Il fallut attendre le début du xvie siècle pour voir naître les premières Passions musicales sous deux aspects : la Passion-motet et la Passion-drame. Dans la Passion-motet, le chœur polyphonique à quatre ou cinq voix, remplit tous les rôles : celui du Christ, ceux de l'évangéliste et de la foule. Même l'intonation Passio Domini nostri secundum... est chantée par l'ensemble vocal. La première Passion de ce genre date de 1505 : elle fut longtemps attribuée au Flamand Jacob Obrecht. On pense aujourd'hui qu'elle est vraisemblablement l'œuvre d'Antoine de Longueval, compositeur de la Chapelle royale de France, sous Louis XII. La plupart de ces Passions-motets sont en latin (citons, entre autres, celles de Jakob Handl, dit Gallus et de Vicenzo Ruffo). En 1568 paraît la première Passion-motet en langue allemande : celle de Joachim von Burck (1546-1610), organiste à Mühlhausen, en Thuringe.
À peu près à la même époque se développe la Passion-drame, où alternent la psalmodie grégorienne de l'évangéliste et du Christ et les fragments polyphoniques, par lesquels s'expriment le peuple et les autres protagonistes de l'histoire sacrée. À ce type appartiennent la Passion selon saint Jean, de Claudin de Sermisy, datant de 1534, les quatre Passions (selon les quatre évangélistes) de Roland de Lassus, écrites entre 1575 et 1582, les Passions selon saint Matthieu et saint Jean, de Tomas-Luis de Victoria (1585), celles de Francesco Guerrero, et de William Byrd (Passion selon saint Jean publiée en 1607). La première Passion-drame en langue allemande serait l'œuvre de Johann Walter et daterait de 1530.
Les chefs-d'œuvre de cette série nous sont donnés par Heinrich Schütz (1585-1672) avec trois Passions où les contrastes dramatiques se font plus abrupts et où l'absence de lyrisme est compensée par une austérité grandiose qui ne laisse pas d'émouvoir. Schütz, qui fut l'élève de Giovanni Gabrieli à Venise, apparaît ici aussi grand que son contemporain Monteverdi.
Au cours du xviie siècle, avec le développement simultané de l'opéra et des Histoires sacrées (Carissimi), la voie est ouverte à un nouveau style plus théâtral : la Passion-oratorio. Des textes librement paraphrasés se substituent au texte liturgique ; le récitatif quasi parlando s'oppose aux airs à ritournelle avec accompagnement d'orchestre, ou d'un instrument soliste concertant. Sous l'influence du théâtre italien, la Passion devient un opéra spirituel.
C'est ainsi que se présente la Passion selon saint Jean d'Alessandro Scarlatti, écrite vers 1680, pour alto solo, chœurs, violons, violes et orgue. En 1704 paraît en Allemagne une Passion très théâtrale de Reinhard Keiser, dont le poète Brockes s'inspire pour écrire le texte, mis en musique en 1718 par Johann Mattheson. Celui-ci défend sa conception[...]
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Écrit par
- Roger BLANCHARD : musicologue
Classification
Autres références
-
ORATORIO
- Écrit par Carl de NYS
- 2 585 mots
- 1 média
Pour l'oratorio sur un texte latin, il faut signaler encore l'importance des drames liturgiques du haut Moyen Âge et del'interprétation dramatique de la Passion du Christ au cours de la semaine sainte. C'est ainsi que l'on trouve à Rome la Compania del Gonfalone, fondée vers 1260, qui se spécialisait...