PASTORALE, genre littéraire
À l'âge moderne
Un fruit de l'humanisme
Dans les littératures modernes européennes, la pastorale jouit d'un remarquable succès du xve au xviiie siècle, et particulièrement vers la fin du xvie et le début du xviie siècle. Comme tous les genres élaborés par les Anciens, la pastorale dut sa nouvelle vie à l'effort des humanistes pour restaurer la littérature classique. Dans ce cas, cependant, le mot « genre » est impropre, car la pastorale n'est point exactement un genre ; il s'agit d'un milieu, d'une atmosphère, d'un déguisement conventionnel qui, théoriquement, pourraient se retrouver dans n'importe quel genre littéraire et qui, de fait, eurent au moins deux manifestations différentes : dans le roman, avec l'Arcadia (1504) de Sannazaro, la Diana (1559) de Montemayor, L'Astrée(1607-1628) d'Honoré d' Urfé, l'Arcadia (1590) de Sidney ; au théâtre avec l'Aminta (1573) du Tasse, le Pastor fido (1589) de Guarini, la Sylvanire (1627) d'Honoré d'Urfé et la pièce du même titre de Mairet (1631), les Bergeries de Racan (1625).
Le milieu, dans la pastorale, est représenté par la nature intacte, qu'aucune civilisation n'a encore corrompue, une nature qui tient encore du divin et où les divinités primitives ont toujours leur siège. La contemplation de cette nature idéale, qui ne suppose pas nécessairement un goût pour la nature réelle, est une attitude littéraire typique des sociétés très évoluées, et représente l'un des thèmes que la pastorale humaniste emprunta à la pastorale gréco-latine. Ce culte pour la nature vierge, cependant, ne tarde pas à être relégué au second plan, jusqu'à se réduire à une sorte de toile de fond, sur laquelle d'autres thèmes ressortent avec plus d'évidence. Quant à l'atmosphère pastorale, ce qui la caractérise est d'abord la présence et le sens de la paix. Dans la nature non contaminée où vivent les bergers n'arrive même pas l'écho lointain des conflits, des batailles qui sont le sujet privilégié de la tragédie ou de l'épopée. Le désir de paix, le refus de la gloire militaire constituent l'un des thèmes que les humanistes puisent dans la tradition des Anciens et devient aussi une donnée acquise, admise a priori, un élément de la « convention pastorale ».
Les jeux de l'amour
La thématique de la pastorale moderne, qui s'impose aux dépens de la thématique classique traditionnelle, est une thématique amoureuse ; à son apogée, entre la Renaissance et le baroque, la littérature pastorale est, avant tout, une littérature d'amour. La pièce du Tasse, l'Aminta, dont la première représentation eut lieu vraisemblablement en 1573, témoigne par excellence de cet idéal amoureux qui peut se résumer dans la liberté absolue et innocente, source d'un bonheur parfait. Mais cet idéal est utopique : une telle liberté a existé autrefois, dans un âge lointain et perdu – l'âge d'or –, que les bergers peuvent seulement regretter. En ce temps bienheureux, en effet, il n'y avait pas d'opposition entre la satisfaction des sens et la loi morale, car cette dernière n'existait pas encore. L'innocence de l'amour venait donc de l'absence de la loi ; celle-ci instaurée, la contradiction est née et elle est insoluble. C'est pourquoi l'amour des bergers de l'Aminta entraîne inévitablement la conscience angoissante de sa culpabilité, une sorte de fatale condamnation à être malheureux, qui semble se dissiper seulement à la fin de la pièce. Cette fatalité de l'amour malheureux est au centre de la thématique pastorale baroque, même si le conflit entre une sensualité presque morbide et la morale de la Contre-Réforme n'est pas toujours ressenti aussi profondément que chez le Tasse. Une lecture[...]
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Écrit par
- Daniela DALLA VALLE CARMAGNANI : docteur ès lettres, professeur de littérature française à l'université de Sassari, Italie
- Jacqueline DUCHEMIN : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X
- ETIEMBLE : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-IV
- Charlotte VAUDEVILLE : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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