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PATHOCÉNOSE

Étymologiquement, pathocénose signifie « communauté de maladies ». La notion et le mot ont été créés par Mirko Grmek pour désigner l'ensemble des états pathologiques présents au sein d'une population déterminée à un moment donné (« Préliminaire d'une étude historique des maladies », in Annales E.S.C., 24, 1969, pp. 1437-1483).

La fréquence et la distribution de chaque maladie dépendent, hormis divers facteurs endogènes et écologiques, de la fréquence et de la distribution de toutes les autres maladies. Ce système structuré connaît une dynamique : il tend vers un état d'équilibre, surtout dans une situation écologique stable ; mais il a aussi des périodes d'évolution et de rupture : par exemple, à l'époque préhistorique, lors de la révolution agricole du Néolithique ; dans l'Empire romain, à l'occasion de l'épidémie dite « peste antonine » (probablement la variole) ; ou dans le monde moderne, lors de la révolution industrielle. Ainsi les maladies sont entre elles en un rapport d'interdépendance complexe : selon les cas, les relations sont d'indifférence, de symbiose (par exemple la malnutrition et les maladies infectieuses ; l'ensemble des maladies d'usure), d'antagonisme selon des modalités diverses (par exemple, le paludisme et la thalassémie, la lèpre et la tuberculose, les maladies infectieuses et les maladies dégénératives). En outre, toute pathocénose connaît un très petit nombre de maladies fréquentes dites maladies dominantes et un grand nombre de maladies rares. La notion de pathocénose constitue un outil épistémologique indispensable à l'intelligence des lois de l'épidémiologie historique. Généralement adoptée par la communauté des historiens, elle rend compte, par exemple, de façon simple et claire, de l'apparition du sida juste après l'éradication de la variole.

On peut parler de pathocénoses au pluriel, dans la mesure où la notion s'applique à des périodes et à des régions déterminées, plus ou moins vastes : il y a une pathocénose d'aujourd'hui, dans la mesure où les problèmes de santé sont mondialisés par la concentration des industries pharmaceutiques, par la facilité des voyages intercontinentaux, par la libération massive des mœurs. Mais, ce qui n'est paradoxal qu'en apparence, il y a des pathocénoses de l'Antiquité, dans la mesure où celle-ci n'est pas uniforme, tant du point de vue ethnique, puisqu' elle a connu d'importants mouvements de population, que du point de vue géographique, avec une extrême diversité des paysages, laquelle a provoqué une parcellisation politique en de nombreuses petites cités, avant l'organisation de l'Empire romain.

Enfin la mathématisation des données pathologiques selon des courbes logarithmiques est impossible pour les époques préhistoriques et historiques anciennes, pour lesquelles toute évaluation chiffrée est illusoire. Dans de telles conditions, aux données de la paléopathologie s'ajoutent celles de l'« iconodiagnostic ». Proposée par Mirko Grmek et Danielle Gourevitch (Les Maladies dans l'art antique, Paris, 1998), cette forme de diagnostic rétrospectif des maladies repose sur l'examen des documents iconographiques naïfs, c'est-à-dire des œuvres d'art créées en dehors de toute intention médicale, tant en période préhistorique qu'en période historique, documentée par des textes de diverses natures. L'iconodiagnostic apporte des renseignements sur l'absence, la présence et la fréquence de tel état pathologique particulier.

— Danielle GOUREVITCH

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, docteur ès lettres

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