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LECONTE PATRICE (1947- )

Depuis ses débuts à la fin des années 1980, Patrice Leconte est volontiers considéré par le grand public, les médias et surtout la profession comme un des meilleurs réalisateurs français, à l'image de Jean Delannoy, René Clément, André Cayatte, Marc Allégret ou Henri Decoin, lorsque dominait dans les années 1950 l'esthétique de la « qualité française ». En fait sa carrière présente trois périodes assez différentes. Né en 1947, ancien élève de l'I.D.H.E.C., il est d'abord auteur de bandes dessinées, notamment dans la revue Pilote. De fait, le scénario de son premier long-métrage – Les vécés étaient fermés de l'intérieur (1976) – est signé Gotlib, mais il est interprété par Coluche dont la verve plutôt vulgaire infléchit l'esprit libertaire inspiré par la B.D. Alors que ce film coïncide avec l'invasion du cinéma comique français par les comédiens venus du café-théâtre, Leconte trouve sa voie en recourant à un humour empruntant un peu aux deux courants pour se démarquer des comédies policières de Georges Lautner qui triomphent alors au box-office. Les Bronzés (1978) imposent donc un ton original dont le cinéaste gère les suites pendant plusieurs années.

La veine s'épuise avec Circulez y'a rien à voir (1983). Patrice Leconte s'essaie alors au polar spectaculaire (Les Spécialistes, 1985). L'ambition du film d'auteur vient avec Tandem (1987), son meilleur film, inspiré du « Jeu des mille francs », l'émission radiophonique animée de longues années durant par Lucien Jeunesse qu'incarne Jean Rochefort (qui deviendra son acteur fétiche) flanqué de Gérard Jugnot. Road-movie émouvant et drôle, Tandem plonge dans la France profonde et la solitude à deux avec une grande richesse de ton. Dès lors, les réussites s'enchaînent : Monsieur Hire (1989), remake de Panique (Julien Duvivier, 1946) d'après Simenon, donne en effet à Michel Blanc l'occasion de faire jeu égal avec Michel Simon qui interprétait son rôle dans le film original. Le Mari de la coiffeuse (1990) repose sur l'idée touchante d'un bonheur amoureux vécu dans une quotidienneté tranquille servie par un numéro éblouissant de Jean Rochefort. Ridicule (1996) se présente comme une comédie située chez les beaux esprits à la cour de Louis XVI, mais elle est progressivement rongée par le regard assassin porté sur tant de futilité et de servilité. Dans Une chance sur deux (1998), Vanessa Paradis, en quête de père, va et vient entre Jean-Paul Belmondo et Alain Delon, lancés dans un pastiche de comédie d'action.

Tout se dérègle brutalement avec le ratage et l'échec commercial de La Veuve de Saint Pierre (2000), lourde, froide et lente superproduction en costumes que Leconte récupère après le désistement d'Alain Corneau en pleine préparation. Leconte prend alors à témoin la presse écrite et audiovisuelle, rendant responsable la critique de « tuer » le cinéma français par son élitisme. Le metteur en scène ne comprend pas que les cinéphiles lui préfèrent de nouveaux auteurs comme Bruno Dumont et Arnaud Desplechin. On croirait revivre le rejet haineux de Jean-Luc Godard ou François Truffaut par Claude Autant-Lara en 1960. La suite est malheureusement la même : la qualité déserte la filmographie de Leconte, Félix et Lola (2000) et Rue des plaisirs (2002) recyclant de vieilles recettes du « réalisme poétique » des années 1930.

Mais Patrice Leconte demeure un bon directeur d'acteurs et ses « films de chambre » constituent toujours des duos insolites qui fonctionnent bien : le truand et le vieil homme, Johnny Hallyday et Jean Rochefort dans L'Homme du train (2002) ; la femme en crise conjugale et le faux psychanalyste, Sandrine Bonnaire et Fabrice Luchini dans Confidences trop intimes (2004). Mais le récit de l'amitié du riche distant et du[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

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    • Écrit par
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