LUMUMBA PATRICE (1925-1961)
Issu d'une famille catholique pratiquante appartenant à une ethnie minoritaire, les Batetela, Lumumba entreprend des études d'infirmier puis s'engage comme commissaire aux écritures avant de reprendre ses études à l'école des P.T.T. de Léopoldville. Devenu comptable aux chèques postaux à Stanleyville, il se lance dans l'activité syndicale ; au retour d'un voyage à Bruxelles, en 1956, où il a rencontré des libéraux, il est condamné à une peine de prison pour détournement de fonds. Il y écrit Le Congo est-il une terre d'avenir ?, où il développe ses idées sur le nationalisme et l'indépendance nationale. À sa sortie de prison, il est engagé comme directeur commercial par la brasserie Polar ; il peut ainsi se livrer à l'agitation politique où ses talents d'orateur et de tribun populaire font merveille.
En 1958, il crée le Mouvement national congolais (M.N.C.) avec Cyrille Adoula et prône un Congo uni, laïc et indépendant. Il se rend à la Conférence d'Accra et découvre le panafricanisme auprès de N'krumah. Persuadé d'être appelé à un destin national, il puise son inspiration politique autant aux sources ancestrales — n'est-il pas de la tribu de Ngongo Leteta qui dirige la résistance à la conquête arabe en 1880 ? — qu'auprès des socialistes libéraux. En fait, il est beaucoup plus à l'aise pour dénoncer les méfaits du colonialisme et galvaniser les populations sur le slogan d'indépendance que pour présenter un programme politique et économique clairement défini ; leader volontariste, il déclare : « Le Congo m'a fait, je ferai le Congo. » À son retour, il entame une grande campagne pour l'indépendance, affirmant notamment : « L'indépendance n'est pas un cadeau de la Belgique, mais un droit fondamental du peuple congolais. » Les troubles qui se multiplient à travers le Congo conduisent l'autorité coloniale à l'incarcérer à nouveau pour subversion. Mais, en janvier 1960, à la table ronde de Bruxelles, les autres chefs de partis congolais exigent sa présence pour discuter du futur gouvernement congolais. Le M.N.C.-Lumumba, issu de la scission du M.N.C., obtient de très bons résultats aux élections de mai et Lumumba devient Premier ministre de Kasavubu. Le 30 juin, jour de la proclamation de l'indépendance, il prononce un discours très violent en présence du roi Baudouin. Les troubles à Léopoldville, la sécession du Katanga lui font craindre la balkanisation du Congo ; le retrait précipité de tous les fonctionnaires belges, à l'exception de ceux qui résident au Katanga, risque de plonger le pays dans le chaos ; Tschombé refusant de le recevoir, il se tourne vers l'O.N.U. et même Moscou pour obtenir les moyens de ramener le calme. Il fait, sans grand succès, le tour des capitales amies, Accra, Tunis, Rabat, Conakry, après avoir été très bien accueilli aux États-Unis ; son différend avec les troupes de l'O.N.U., qu'il accuse de « coloniser » le Congo, s'accentue.
Le 5 septembre 1960, il est révoqué par Kasavubu, conteste cette décision, mais est mis en résidence surveillée le 10 octobre ; lorsqu'il tente de rejoindre Stanleyville où Gizenga, son partisan, mène la lutte, il est repris par les troupes de Mobutu, son ancien adjoint au sein du M.N.C. Le 17 janvier 1961, il est transféré du camp de Thysville à Elisabethville où il meurt dans des circonstances qui n'ont jamais été élucidées. Cependant, l'O.N.U. a été amenée à reconnaître la responsabilité de Tschombé et Munongo dans le décès du « premier héros national du Congo » (proclamation du président Mobutu, 1966). Depuis 1967, l'anniversaire de sa mort est officiellement fêté à Kinshasa.
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Écrit par
- Françoise BARRY : cheffe du Centre d'études et de documentation sur l'URSS, la Chine et l'Europe de l'Est
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Médias
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